Le Trésor Des Kerguelen

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004 Le décrochage et la vrille…

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004 Le décrochage et la vrille…

 

 

     Voici un sujet très technique et intéressant car bien souvent mal compris par les pilotes...

Ceci est d'autant plus dommage qu'il peut entraîner de graves conséquences à cause de cette méconnaissance des phénomènes aérodynamiques qui s'y rattachent...

 

Alors la grande question est... : qu'est exactement que le décrochage sur un avion classique*...?

* avion classique : autre que les « formules canards » (comme le Rutan VariEze, par ex.) ou encore les voilures Delta non divisées (Concorde, Mirage 2000, etc...).

 

On entend très souvent... « Les ailes ne portent plus et l'avion tombe comme une pierre ».

Cette vue simplifiée est totalement erronée !

Car... les ailes d'un avion ne décrochent JAMAIS (sauf dans un seul cas : la vrille ! Et encore, il n'y a qu'une seule aile qui décroche vraiment d'où la chute en tourniquet qui va s'établir – voir plus bas).

 

Alors revenons à ce décrochage pour une explication technique détaillée...

 

 

Le décrochage normal...

 

     Si on réduit la vitesse de l'avion progressivement (par réduction de la puissance GMP), pour conserver son altitude départ, il va donc falloir donner de l'assiette positive, à cabrer. Là, la traînée va augmenter et la vitesse diminuera encore davantage pour atteindre une vitesse critique dite "de décrochage" (la fameuse VS – Stall Velocity). L'avion va s'enfoncer brutalement certes, mais en vérité, ce ne sont pas les « ailes qui lâchent » (la portance de...) mais le plan de profondeur qui vient de passer en "déportance positive" !

Eh oui... sur la gouverne de profondeur, la portance est en fait une déportance (donc négative). Cette déportance de la gouverne arrière, ce fameux plan de profondeur tire vers le bas en temps normal (vol normal) et non pas vers le haut comme les ailes. Pour bien comprendre cet « effet inverse », regardons sur un petit plan l'équilibre des moments rotationnels, toutes les forces en jeu, autour du CG (centre de gravité) d'un avion...

 

Diagram Pilot1.jpg

Cg = Centre de gravité

F = foyer de l'aile (point d'application des variations de portance)

Traction = Traînée (en vol horizontal, avion stabilisé en vitesse).

P = Portance des ailes et Dp = déportance du plan arrière (gouverne de profondeur).

L1 = distance entre CG et F  (c'est aussi la marge statique de l'appareil - voir devis poids & centrage, chap 05)

L2 = distance entre CG et point de déportance du plan arrière.

NB : Le poids de l'appareil étant appliqué au CG, il n'apparaît pas ici simplement pour la simplicité du raisonnement. Il est équilibré par la portance. Plus le poids P sera important et plus la portance devra l'être aussi !

 

Pour qu'il y ait équilibre des moments rotationnels autour du centre de gravité CG, il faut et il suffit que...

L1 X P = L2 X Dp

On comprend de suite que, à une force importante P multipliée par un petit bras de levier L1 puisse s'équilibrer avec une toute petite force inverse Dp, multipliée par un grand bras de levier L2. C'est le principe d'équilibre de la balance de Roberval !

 

Que se passe t-il donc lors du « soi-disant décrochage »...?

Eh bien la déportance arrière diminue au point de s'annuler et même de passer en positif cette fois, à tirer vers le haut. A ce moment-là, l'équilibre rotationnel au CG est rompu et la queue de l'avion (tirée par la déportance positive) monte brutalement. Comme la portance principale des ailes s'affaiblit beaucoup dans le même temps avec la vitesse qui diminue, l'appareil s'enfonce. D'où cette impression de « décrochage des ailes ». Mais encore une fois les ailes ne sont absolument pas décrochées au sens strictement aérodynamique ! Ceci reste vrai tant que le vol sera conservé symétrique. On verra plus loin que le danger à ce moment précis est de partir en vrille si les palonniers sont mis en butée d'un côté ou de l'autre (dissymétrie importante du vol).

 

 

La séquence du décrochage se produit donc ainsi...

 

     L'avion ralenti, on le cabre un peu pour conserver l'altitude, la traînée augmente, il ralenti encore...

La déportance arrière s'annule, le manche se met à trembler un peu (apparition du buffetting*), la queue remonte brutalement et l'avion s'enfonce !

L'avion part donc en piqué (abattée) et reprendra rapidement de la vitesse. La portance re augmente, la gouverne arrière repasse en déportance négative et tire à nouveau vers le bas, ce qui ramène l'appareil en vol horizontal. C'est la fin de l'abattée. Si on laissait faire l'appareil de lui-même en bloquant les commandes en arrière à cabrer, on verrait d'ailleurs qu'il se mettrait à faire des décrochages et abattées successives sans cesse et ainsi, jusqu'au sol ! A aucun moment l'appareil ne va tomber comme une pierre sans portance sur les ailes.

La notion de décrochage d'un avion est donc bien loin de la réalité aérodynamique. Ce terme est bien mal approprié, à mes yeux, d'où une incompréhension fréquente de ce phénomène par les pilotes.

 

*Buffetting : ce tremblement caractéristique de l'approche de la Vs sur un avion est crée par la grande longueur existant entre le Cg et le point de déportance (foyer) sur la gouverne de profondeur. Même si la force de déportance est petite, le fait de la multipliée par un grand bras de levier, va engendrer des vibrations intenses dans les commandes de vol de l'appareil. Ces vibrations, l'effet buffetting, est le signe avant coureur d'un « décrochage imminent ! Tous les pilotes redoutent cet effet de tremblements au manche mais bien souvent sans en comprendre réellement l'origine et pouvoir en maîtriser ses effets.

 

 

Le cas particulier de la vrille...

 

     Le départ en vrille d'un appareil est toujours angoissant pour un pilote car c'est un cas très spécifique dans l'étude et la réalisation d'un décrochage.

Pourquoi un avion peut-il partir en vrille...?

Eh bien tout simplement la vrille apparaît lors d'un « décrochage » dans une situation de vol non symétrique, voulue ou non. Les palonniers par exemple qui seront pratiquement mis en butée, à droite ou à gauche. Mais d'autres sources sont possibles comme une panne GMP ou de régulation du pas d'hélice sur multi-moteurs lors de virages serrés, des causes météos violentes comme fort cisaillement, rafales, turbulences de sillage, micro-burst, blocage des commandes de vol ou perte d'un élément de voilure, etc...

 

Que se passe t-il donc de si particulier à ce moment-là...?

     Eh bien dans ce cas de dissymétrie importante du vol, l'une des ailes, celle se trouvant dans l'intérieur du virage (f des palonniers) va réellement décrocher cette fois ! La portance va complètement disparaître sur cette aile et là, l'aile décroche et s'enfonce brutalement à la verticale. Comme l'autre aile* est toujours accrochée avec de la portance, elle va rester haute et l'appareil va donc plonger à la verticale vers ce côté décroché en tournant comme une toupie vers le sol. Cette situation de vrille est un réel danger surtout quand il y a proximité du sol. On réalise donc ces exercices d'exploration du domaine de vol en altitude et après avoir vérifié l'espace aérien au-dessous auparavant ! En pratique, pour un avion mise en vrille, après 4 tours de vrille, il faudra pas moins d'un tour et demi supplémentaire pour le sortir de cette vrille et enfin retrouver l'horizon après l'abattée. En quelques secondes seulement l'appareil aura perdu jusqu'à 1500 ou 2000ft (500 à 700 m), à la verticale. D'où le danger de cet exercice qui vous fera prendre en plus jusqu'à 4G au cours de la ressource pour retrouver l'horizontale ! C'est un exercice impressionnant et fatiguant pour les pilotes comme pour les machines. Mais cependant, à faire au moins une fois lors de la formation pour bien comprendre tous les processus du domaine de vol de l'aéronef.

 

*Virage et Vrille... L'effet du virage est double en fait. L'aile se trouvant dans l'intérieur du virage va avoir une vitesse/air bien moindre que l'aile extérieur au virage. Donc la portance des deux ailes va être très différente. Un effet de masque va encore s'ajouter à cause de la dissymétrie du vol et engendrer une traînée différente aussi... Tous ces effets vont se cumuler au point de faire décrocher complètement l'aile masquée (ou intérieur au virage). C'est le départ en vrille immédiat et toujours brutal, l'avion restant «pendu» par l'aile haute, non décrochée. L'appareil va se comporter comme si il lui manquait une aile !

 

 

Décrochage aérodynamique...

 

     Ce décrochage aérodynamique est traître car il se produit à grande vitesse. Cette fois c'est le facteur de charge qui va déclencher le décrochage et non pas une vitesse faible. Lors d'une ressource effectuée à grande vitesse, la combinaison de cette vitesse élevée avec un facteur de charge important va produire les même effets sur les gouvernes de l'avion et mener au décrochage. Ce type de décrochage est souvent grave de conséquences car il est souvent effectué près du sol pour éviter un obstacle... Se rappeler que l'approche de la VNE (vitesse maxi autorisée) associée à une ressource brutale peuvent mener à ce phénomène de décrochage aérodynamique.

 

 

Dernier cas : la vrille à plat...

 

     En principe un pilote ne se verra jamais confronté à ce cas de figure particulier. Ceci pour une simple raison, c'est que le CDN (certificat de navigabilité) n'est accordé à un aéronef que si celui-ci ne puisse pas être mis en vrille plate lors des essais en vol. Mais certaines conditions extrêmes particulières peuvent amenées un changement tel que ce phénomène puisse quand même apparaître. Un givrage sévère de la voilure par exemple peut entraîner ce genre de chose.

Il faut savoir qu'un avion partant accidentellement dans une vrille à plat ne pourra plus sortir de cet état de vol. Donc ce sera malheureusement le crash assuré. Dans ce cas extrême, les deux ailes sont effectivement décrochées et nulle manœuvre ne pourra le faire sortir de cette configuration. L'avion tombe à plat verticalement en tournant légèrement autour de son axe de lacet (ceci plus ou moins vite dans un sens ou dans l'autre). En vol d'essai, si cela se produit, il ne reste qu'une sauvegarde possible pour le pilote : c'est l' EJECTION !

 

 

Qu’on se le dise …et bon vol !

 

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13/01/2017
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