Le Trésor Des Kerguelen

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Chapitre 238 - Eole, Dieu des Vents

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Chapitre 238


EOLE, DIEU DES VENTS

 

 

     Nous voici en route pour les îles Lipari encore appelées îles Eoliennes. Si le premier nom n'est pas spécialement explicite le second lui, n'est pas équivoque du tout. Dans cet archipel isolé au Nord de la Sicile, le vent est permanent. Comme dans les îles grecques de la mer Egée, le relief conjugué à l'effet venturi entre les îles renforce terriblement le souffle d'Eole. Ces îles, situées au cœur de la mer Thyrénienne, sont balayées par des vents forts. C'est bien cela, de vraies "Eoliennes". Et puis, Eole n'est-il pas dans la mythologie grecque le dieu des vents ? Si !


Donc les Lipari sont bien les îles d'Eole, dieu des vents !


"…Le dieu Zeus lui avait même donné le pouvoir de les calmer ou de les déchaîner ces vents. Ulysse rendit visite à Eole qui lui en offrit une bourse pleine de tous ces vents… Ses marins ne surent pas attendre. Cette bourse fut dilapidée, perdue à jamais et les marins transformés en pourceaux par Circée…".


La zizanie règne sur les mers depuis cette histoire…


     Nous arrivons tout droit de Messine et atterrissons sur Vulcano, l'une des dix-sept îles que compte l'archipel. Avec Stromboli sa voisine, Vulcano est le second volcan actif du groupe. Gros avantage pour Vulcano, son activité est relativement sage et de plus il est très facile à "escalader". Ce mot ne convient pas du tout d'ailleurs. La piste qui y monte est un vrai et bon chemin de 3 km à peine. On y grimpe pépère et ceci, jusqu'au bord du cratère, à 480 m de hauteur. Ce n'est pas le cas du Stromboli, abrupte, sauvage et sournois. Il vomit en mer, de façon ininterrompue, des coulées de lave sur son versant Est. C'est sur Vulcano alors tout naturellement que nous jetons notre dévolu pour une première visite de l'archipel.


     Dans le mouillage de Porto di Levante, la bourgade principale de Vulcano, beaucoup de plaisanciers sont encore présents. La saison d'été est bien avancée mais la proximité des côtes italiennes, fait que les estivants traînent volontiers. Dans la baie on découvre autant de voiliers que de bateaux à moteurs. Mais chacun trouve sa place malgré les fonds pentus qui laissent peu de choix pour y planter sa pioche. Nous faisons connaissance avec le caractère insulaire des Lipariens. Tous sont tournés vers le tourisme : boutiquiers, restaurateurs, hôteliers. Les vacanciers viennent en majorité des grandes villes voisines …Reggio, Palerme ou bien Naples.


     Ces îles Lipari sont habitées depuis fort longtemps. Leur histoire commence dès le 6ième siècle avant JC. Elles étaient connues et reconnues pour leurs thermes. Aujourd'hui plus que jamais on vient à Vulcano pour se plonger dans les boues chaudes et sulfureuses qui bordent la plage de Porto di Levante. Une palissade délimite les thermes. L'accès des barbotières est payant pour le curiste. Mais pour le plaisancier, déjà "dedans par le dehors", point n'est besoin d'aller loin pour son traitement… La plage extérieure elle-même de la baie est "bouillonnante" et sulfurée. De petites bulles chaudes et malodorantes aussi, il faut bien le reconnaître, crèvent la surface partout alentours. Cela donne vraiment l'impression d'être ancré dans une chaudière. Toute la baie fume, sent le chaud et les œufs pourris ! Mais il paraît que ces vapeurs souffreteuses sont excellentes pour nettoyer …les bronches et tutti quanti. Alors on tolère cet inconfort le temps d'une cure de décrassage pulmonaire ; en prime pour les plaisanciers, c'est gratuit !


     Tous les empereurs romains sont passés par Vulcano pour s'essayer aux thermes. Il était de bon ton de faire référence à cet endroit quand on était dignitaire en pays latin… Nous aussi nous sommes latins, alors allons-y ! Cloclo qui est toujours partante pour ce traitement " thalasso thérapeutique" (aurait-elle aussi un côté dignitaire que j'ignore…?) saute à l'eau et nage droit à la plage face aux thermes… Je la vois parvenir à la plage et s'en retourner pratiquement de suite comme si une guêpe l'avait piquée… Je suis en train de finir de préparer l'annexe avec Anne pour y aller nous aussi, à cette plage "historique"…

- C'est interdit, lui demandais-je, aussitôt à portée de voix ?

- Non, non… Bien sûr que l'on peut y aller, mais …c'est bouillant… Je me suis brûlé les pieds tellement c'est chaud sur le bord. Il faut absolument mettre nos chaussures de bain en plastique !


     Elle est bien bonne celle-là… Se brûler la plante des pieds, dans l'eau, en débarquant sur une plage ? C'est une première ! Mais je n'en doute pas un instant à la vue des fumerolles. Puis tout le monde saute à l'eau, mais avec ses "pompes" cette fois…!


     Première visite sur Vulcano, comme pour jouer les grands seigneurs : les thermes et ses bains de boue. De nombreux petits bassins ont été creusés à même le sol en retrait de la plage. Les curistes s'y précipitent pour s'enduire de pied en cape d'une pâte gluante, grise et fumante. Le mode opératoire est simple… Après garnissage, laissez sécher une bonne heure environ. Après cela il suffit de se rincer à l'eau de mer puis à l'eau douce. Voilà servie la recette de la cure de jouvence. Au passage, ne pas oublier d'inspirer au plus profond de ses entrailles les fumerolles ambiantes et salutaires… Débouchage de narines garantie ! Nous n'avons pas failli à la tradition séculaire. Cloclo et Anne y sont même retournées plusieurs fois ; ce n'est pas si fréquent de faire un pèlerinage thérapeutique, tout de même !


     Le lendemain de notre arrivée, en montant sur le pont après le petit déjeuner matinal, nous découvrons une conséquence catastrophique de cet environnement sulfureux… Les peintures du bateau sont devenues noires pendant la nuit. Pas l'extérieur de la coque, car sa couleur est déjà noire…! Mais tout ce qui est en bois ou en plastique a terni comme neige près d'une mine de charbon. On est abasourdi ! La surprise laisse place à une crainte maladive lorsque Marie-Claude essaie de nettoyer ce glacis noirâtre. Il est impossible de l'enlever. On dirait que les constituants eux-mêmes des peintures ont été attaqués, modifiés par ces vapeurs acides et envahissantes… Tout est devenu soufré, terne, oxydé. Nous abandonnons vite notre tentative de récurage des superstructures. On finit par se dire qu'une fois parti de cette zone-là, il sera sans doute plus facile de le faire ! Pour le moment il y a vraiment autre chose à faire et de plus agréable sur l'île de Vulcano : du tourisme, simplement.


     Seconde visite qui s'impose d'elle-même également, la grimpette dans le cratère ; il est là juste à côté, au-dessus de nos têtes. Pour une modique somme, nous avons droit à l'accès du circuit aménagé et un joli dépliant. Il nous renseigne utilement sur les dangers du volcan… Vulcano est quand même un volcan actif. Son environnement agréable aurait plutôt tendance à nous le faire oublier… De là-haut le coup d'œil panoramique sur l'archipel des Eoliennes est divin. Dans le cratère, les fumerolles rivalisent d'arabesques avec les dépôts de cristaux qui s'accumulent. De nombreuses galeries et fissures crachent en continu des jets de vapeur soufrée. On peut observer facilement ces phénomènes et voir se construire sous nos yeux, ces petits châteaux d'aiguilles, de pétales ou de dentelles… Ces myriades de cristaux d'un jaune vif, s'agglutinent, grandissent, dansent et scintillent au soleil. Le spectacle est captivant. Une fois accroché par cette merveille de la nature nous n'arrivons plus a en détacher le regard. Seuls, des rafales de vent rabattant nous sortent de cette fascination en nous enfumant comme des harengs. La réaction est immédiate : nous nous "réveillons" en suffocant et déguerpissons… Quelques pas à l'écart suffisent.




Eole est bien le Dieu des vents, on se plie à sa loi.


     La fin de l'été sonne sur l'Europe comme dans les Eoliennes, les îles du dieu Eole. Petit à petit les vacanciers s'en vont. Nous aussi, songeons à poursuivre la route vers la France lorsque les autorités annoncent sur les radios le premier coup de vent de l'été. Septembre est le mois de changement de saison. Il est assez habituel que surviennent avec lui, les premières tempêtes d'automne. Dans la baie de Vulcano, le mouillage nous semble précaire pour étaler un coup de vent. Mais plus encore c'est le nombre de bateaux présents qui nous décide à partir plus loin chercher un meilleur abri. Nous écumons la côte sous le vent, rien. Idem sur Lipari sa voisine proche, sans succès. On poursuit encore plus haut sur Salina cette fois et là, nous trouvons ; il n'y a pratiquement personne. Plus exactement, pas de bateaux …dans les mouillages. Car il y a une marina sur Salina et tous les plaisanciers s'y sont réfugiés. Nous, pensons pouvoir étaler le mauvais temps dehors, au mouillage. Nous trouvons un bon abri sous les hautes falaises qui bordent la côte Nord-est de l'île. Le coup de vent se rapproche, il est prévu pour la nuit. Toutes les radios et les chaînes de la télévision italienne l'ont annoncé. En plus, toujours en passionnés, nous prenons les fax météos spécialisés. Pour cette partie de la Méditerranée, la mer Thyrénienne, les cartes allemandes et italiennes sont les meilleures. Dans la soirée, la marina étant full, quelques autres voiliers viennent s'abriter eux aussi en mouillant autour de nous. Peu après, surprise, un immense et superbe sloop arrive aussi pour se mettre à l'abris… C'est Maricha III : un racer des mers du Sud que nous connaissons déjà. Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises : en Uruguay, en Polynésie, en Chine. On est toujours aussi émerveillé de voir ce voilier britannique exceptionnel par son allure, sa taille et son élégance…


     Dans la nuit le front d'orages survient du Sud-ouest, brutal et puissant. Maricha III qui est mouillé un peu plus à l'extérieur, donc plus exposé, dérape. L'équipage s'active et lève l'ancre en catastrophe. Le vent est monté rapidement à plus de 50 nœuds. Les rafales de pluie ôtent le peu de visibilité qu'il reste dans cette nuit d'encre. Nous, surveillons sur notre radar nos proches voisins. Un à un, les trois voiliers qui nous entourent dérapent à leur tour. Il s'en faut même de peu que le plus proche nous heurte en passant. Mais non, ça passe, sans collision ! Sueurs froides…


Eole, le dieu des vents, ravage le plan d'eau des Lipari…


     Kerguelen lui, tient parfaitement accroché sur le fond. Il faut rappeler, encore une fois à cette occasion, que notre ancre principale (une CQR) est surdimensionnée, rapport au poids du bateau. Sa surface a été agrandie et en plus, je l'ai alourdie de 8 kg de plomb (voir annexes). La gueuse est également en place sur la ligne du mouillage. On a déjà souligné l'importance de cette attention particulière. Une fois de plus elle nous confirme ce point crucial de la sécurité d'un navire : un mouillage sûr !


     Tous les autres voiliers ont levé la pioche, vont étaler dehors ce temps de chien, à la cape. Heureusement, sous le vent des îles c'est le large. La Sicile est à 50 km, la côte italienne à 80. La marge est grande avant d'être jeté sur un rivage.


     La nuit passe ainsi, longue et angoissante.


     Le lendemain matin… Le calme est revenu dans les mouillages des Lipari. Chose incroyable, toutes les ternissures des boiseries du bateau sont redevenues propres comme "avant". La pluie battante de la nuit a tout nettoyé ! On n'explique pas le phénomène et on n'en revient pas. Mais, formidable, la corvée de lessivage disparaît.


     Petit à petit, les bateaux reprennent place dans le mouillage. Aucun de nos voisins et compagnons d'aventure n'aura eu d'ennui plus sérieux. Par contre, il n'en sera pas de même pour les plaisanciers restés sur l'île de Vulcano… Nous l'apprenons par les infos TV du soir… Une vingtaine d'embarcations, sur la trentaine présente, a été drossée à la plage lorsque le vent a tourné. On les découvre écrasées, emmêlées les unes sur les autres… Comme souvent, ce sont plutôt les petites unités qui ont souffert. Moins bien équipées, ces plaisanciers sont moins expérimentés aussi. Il n'y a pas d'échappatoire possible dans cette baie. On le répète fréquemment, c'est paradoxal et pourtant bien vrai. Si on n'est pas certain d'être dans un bon abri, il vaut mieux partir au large que de rester sur la côte en cas de très mauvais temps. Le confort disparaîtra, c'est sûr mais cela permettra d'éviter un échouage, trop souvent synonyme de perte du bateau !


Eole est bien le dieu des vents et dicte sa loi…


     La tempête est passée, chacun panse ses plaies. La vie continue sur la mer Thyrénienne, comme ailleurs… En attendant, pour ma part (de plaie !), j'ai toujours mon attelle au pied droit. La douleur s'est estompée et je "pense" (pas drôle!) à enlever cet attirail de "rescapé des tranchées". Après un essai, oui… En faisant attention, je peux enfin marcher presque normalement. Cela fait juste deux semaines que je me suis fait cette fracture idiote. Le temps est beau, il faut continuer la route, direction le Nord de la Sardaigne.


     Le lendemain de notre départ, pas de répit, le temps se gâte une nouvelle fois. La mer reste maniable mais se durcit. En faisant une manœuvre de prise de ris, au pied du grand mât, je m'accroche le pied dans un taquet du pont et crac …me re-casse le même doigt de pied qu'à Reggio de Calabre… Là c'est l'apothéose…! Me voilà à nouveau avec mon attelle, souffrant le martyr… Cette fois Cloclo est là, j'aurai droit à des calmants.


     Mais les galères ne sont pas finies pour autant…


     Dans la même soirée, un nouveau coup de vent est annoncé par la météo italienne ; c'est pour les 36 heures à venir. Vu la distance à parcourir pour atteindre le Nord de la Sardaigne, on est certain de prendre la tempête au milieu du passage. Dans ces mêmes parages se trouve le détroit de Bonifacio. Ce lieu maudit n'est vraiment pas une zone maritime où il faut traînailler avec du mauvais temps…


     Cette fois c'en est trop ! L'addition est simple : pied cassé plus mauvais temps égale déroutement ! Si l'opération arithmétique est simple à poser, le résultat est lui aussi évident. Encore une fois, ce n'est pas le marin qui décide mais ce sont les éléments…


Eole dieu des vents, dicte encore sa loi !


     Changement de cap et de destination… Nous viserons la baie de Naples à seulement 15 heures de route mais surtout, nous permettra une allure plus portante. En plus de cette immense baie et des nombreuses marinas qui s'y trouvent, deux îles disposées à son entrée peuvent nous accueillir… Capri au Sud et Ischia au Nord. Ce sont deux joyaux touristiques de la côte napolitaine…


     Mais là, c'est déjà une autre histoire. Laissons les rennes à Eole dieu des vents. Il nous conduit là où il veut… C'est lui le grand patron sur les mers comme sur les océans.


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Photo de Kerguelen dans les glaces près du Cap Horn...

 

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21/11/2005
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