Le Trésor Des Kerguelen

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199 Remonter la Loire, ses dangers…

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199 Remonter la Loire, ses dangers...


     Reçu ces jours-ci une demande de renseignements d'une « voileuse » Angevine, me questionnant sur la possibilité de remonter la Loire avec un voilier jusqu'à Angers...?

     La réponse est oui, bien évidemment au moins jusqu'à Bouchemaine en fait (très proche d'Angers), dès lors que l'on n'a pas trop de tirant d'eau (1,80 - 2 m maxi). Je l'ai fait deux fois avec mon premier voilier (1,30 m de tirant d'eau) et effectué en fin d'été (période d'étiage). Après cette ville située au confluent de la Maine et de la Loire, c'est peut-être possible mais je ne connais pas. Donc, je ne parlerai ici, que de la partie que je connais assez bien, de Saint-Nazaire à Bouchemaine (à 3 km d'Angers) - distance à parcourir : 137 kms - pas d'écluse sur le parcours.


Les places étant devenues rares dans les ports de la côte, il est vrai que l'on se tourne aisément vers les estuaires de rivières où les fleuves, même plus en amont pour y laisser son bateau en hivernage. La Loire fait partie de ces possibilités. Maintenant celle-ci n'est pas sans danger, loin de là même. Outre les très nombreux bancs de vase ou de sable dès son entrée, plus haut en amont il y a les épis, (souvent cachés), les pêcheurs avec leurs filets ainsi que les « culs de grève ». Bien sûr en prime, comme sur de nombreux grands fleuves, il y a le courant avec ses troncs et déchets naturels charriés, le vent contraire (donc clapot), la marée, des épaves... La couleur et la turbidité de l'eau sera un inconvénient supplémentaire car elle ressemble parfois à du chocolat, rarement à du Contrex ! Les pièges sont donc assez présents.



Alors voici un petit aperçu de tous ces pièges qui ne manqueront pas de se dresser sur votre chemin.
Vous pourrez ainsi les prévenir plus facilement.

     En tout premier il faudra démâter sauf si vous vous arrêtez à Nantes. En effet, il est possible d'atteindre Nantes (petit port de Nantes rive Sud :Trentemoult) en restant mâté. Après les premiers ponts de Nantes ville (on change aussi de régime en passant du « maritime au fluvial »), démâter devient obligatoire. Le tirant d'eau en Loire maritime varie de 4 à 12 m (tirant d'air : 64 m pour Pont de St Nazaire et pont de Nantes-Cheviré), puis en Loire fluviale, de 4 à 2m (tirant d'air de 5 à 12 m suivant les ouvrages et saisons)..


Les principaux pièges en remontant la Loire...
Par ordre de survenue et de difficultés...


Bancs de vase ou de sable.

     C'est vraiment la première difficulté que l'on rencontre dès l'instant que l'on aborde la remontée de la Loire. Le pont suspendu de Saint-Nazaire à peine franchi, que l'on se demande parfois où il vaut mieux passer pour trouver de l'eau sans avoir le jusant. Certes, il y a un chenal balisé mais c'est en priorité pour les gros bateaux... Il suffit de se rappeler néanmoins que si le courant est présent, cela veut dire aussi qu'en dessous, il n'y a pas d'obstacles. Premier point.
Des péniches sablières travaillent un peu partout sur le cours de la Basse Loire. Là où elles passent, il y a donc toujours de l'eau. Il faudra se méfier des zones calmes car celles-ci sont souvent proches de bancs de vase (ou sables vaseux). Et là, il est toujours plus difficile de se sortir d'un échouage sur banc de vase que sur du sable. Sans parler que pour mouiller, ce sera toujours meilleur et plus agréable sur sable.


Les pêcheurs avec leurs chalands et leurs filets...


     Dès que l'on remonte un peu la Loire, on trouve de curieux chalands. Ces bateaux assez plats servent aux pêcheurs de saumons (ou autre poissons typiques de Loire : alose, anguille, mulets, lamproies). Autour de Noël, ce sont les civeliers qui ratissent le fleuve et l'estuaire, de nuit. Mais au fur et à mesure de la progression en amont, on trouve aussi tout un  tas d'autres bateaux tout aussi bizarre (bachot, gabarre, plate, futreau, toue cabanée, etc... Ces bateaux servent un peu à tout depuis la pêche artisanale, aux loisirs ou au transport des bestiaux dans les îlots isolés sur le fleuve... Il sera donc nécessaire d'être vigilant en passant près de leurs ouvrages. Les filets sont repérés par des perches et/ou des bouées flottantes.



Les culs de grèves.

     Ce nom bizarre "cul de grève" (cdg), est une conséquence du fort courant et de l'exploitation du sable sur la Loire. En effet, les péniches travaillant sur le lit du fleuve gobent et sapent le sable sur les fonds comme les bords. Petit à petit, il s'établit sur ces bords un front de creusement, en sable, plus ou moins vertical et instable. Ce « mur » n'est pas visible depuis la surface. Avec le temps et l'érosion due au courant, il peut se produire dans ces "murs", des galeries ou cavernes sous-jacentes qui viennent encore fragiliser cette "table de sable" toujours présente au-dessus. Le sable de Loire est souvent chargé de vase et/ou de glaise, donc parfois assez compact et "cimenté". Puis un beau jour et sans prévenir, ce mur, cette table de sable, « cet édifice sous-marin et invisible » s'effondre et là tout ce qui est proche ou posé sur ce « cul de grève » part aussi dans les fonds avec cet éboulement. Voilà pourquoi ces cdg représentent un vrai danger sur les bords de Loire. Toujours se rappeler que, là où est exploité le sable, il y a fort probablement des « culs de grèves » invisibles sur les bords, près de la zone de dragage. C'est un réel grand DANGER en Loire et ce phénomène est méconnu. La plupart des noyades en Loire sont dues à ces écroulements dangereux de « cul de grèves ». Le plancher fout le camp, s'effondre, disparaît sous les pieds du plaisancier, du nageur, du pêcheur, du promeneur imprudent s'aventurant dans l'eau, et cela sans prévenir.



Les épis de berges.

     Sur les bords de Loire, ont été installés des épis en formes de longs enrochements. Ils sont disposés assez régulièrement depuis les berges en direction du milieu du fleuve, un peu en travers à descendre, à plus ou moins 45°. Ces épis sont destinés à concentrer le courant sur le milieu du fleuve afin de le creuser en permanence et aussi d'enrayer l'érosion des berges. La présence de ces épis facilite la retenue du sable et alluvions en bordure et maintient donc de façon très naturelle, un chenal utilisable pour la navigation.
En temps normal, ces épis se repèrent bien. Maintenant dès l'automne, les crues fréquentes en Loire font s'élever le niveau des eaux et les épis disparaissent. Ils représentent donc un réel danger à la navigation. Avec l'expérience toutefois, on les devine car leur présence est marquée par une surface très lisse et calme en amont de l'enrochement et accélérée et/ ou tumultueuse (tourbillonnante parfois) ensuite, juste en dessous. De plus, les pêcheurs et habitués du fleuve plantent volontiers des perches à leurs extrémités. Certaines sont balisées "officiellement". Ce qui fait que l'on peut aisément se représenter la ligne de roches des épis recouverts. Un épi tous les 200 ou 300 m est fréquent dans certaines portions du fleuve, mais c'est variable. Il faut savoir également que certains épis sont écroulés depuis longtemps et étalés dans les fonds, donc danger potentiel et invisible en s'approchant des berges. Procéder prudemment.



Le courant, la marée, les épaves...

     Le courant en Loire est variable car il suit les effets de la marée se faisant ressentir jusqu'à Bouchemaine*. Mais la marée de renverse elle-même, ne se sent en pratique que jusque vers Ancenis (mi distance). Par marée descendante, le courant peut donc être fort (jusqu'à 3 ou 4 Nds). Ce joli village de Bouchemaine est le lieu de rendez-vous de la Loire avec la Maine qui elle, mène à Angers (très proche). En période de crues, le courant se renforce encore évidemment.
Dans le cours de la Basse Loire, de Saint-Nazaire à Nantes, les épaves ne sont pas rares. Elles sont toutefois répertoriées et souvent balisées. Le fleuve a été utilisé durant des décennies par les cargos pour approvisionner la ville de Nantes. Cependant désormais, les grands bateaux se font rares et les épaves se déplacent avec les bancs de vase et les tempêtes... Donc prudence encore et toujours.
De plus un phénomène d'évolution climatique vient aussi accentuer la marée. En effet, le marnage (de vives eaux) qui n'était "que de 2,70 m en 1903" à Nantes est aujourd'hui passé à 6 m, c'est beaucoup désormais. L'amplitude de cette marée augmente donc régulièrement. Marnage important à tenir en compte, d'autant que les problèmes qui seront liés à ses effets augmenteront aussi (force du courant, clapot, dérive, échouage possible...).

* Il est possible également, à partir de Nantes, de « monter sur l'Erdre ». Rivière, affluent rive droite, de la Loire qui permet ensuite de continuer sur le canal de Nantes à Brest ou la Vilaine (vers St Malo / Arzal). Pour cela il faut écluser à la hauteur du Champs de Mars (dans le bras Nord de la Loire, à hauteur de l'île Beaulieu). Il faut embouquer ensuite le tunnel du canal qui passe sous les cours St Pierre puis sous la cathédrale pour déboucher enfin au "quai de Versailles", près de la Préfecture (Cours des 50 Otages). Sens de passage régulé et alterné (feux), pas de difficulté particulière pour l'emprunter, sinon qu'il y a peu d'eau ensuite sur l'Erdre (maxi 2m, en moyenne mais souvent moins). J'ai laissé ainsi mon premier voilier une année entière au quai de Versailles (c'était pour le vendre - gestion des places par la ville).



Enfin les mouillages possibles en Loire.

     Les mouillages en Loire se font rares. Les mouillages sauvages sont peu nombreux et souvent disgracieux à cause des bancs de vase (isolement dans des "poches-vasières" à marée basse !). Il est possible de trouver de bons mouillages toutefois derrière des bancs de sable ou les épis. Mais encore une fois la configuration change sans cesse et il faut apprendre à "lire la Loire" pour pouvoir profiter de ces mouillages sauvages tout en tenant compte du marnage (coefficient des marées). Certains villages offrent cependant des possibilités de s'amarrer le long de quais existants. L'estuaire maritime s'arrête pratiquement à hauteur de Paimboeuf (rive gauche) où il est possible de s'amarrer ou encore à l'entrée du canal de La Martinière (mouillage mais attention au pipeline qui le traverse - signalé). Puis ensuite d'autres possibilités de quais (souvent en bois et très haut - échelle indispensable pour y monter) au Pellerin Indret, (attention au bac !), Couéron, Basse Indre, Chantenay, Dubigeon (ancien chantiers navals), Trentemoult (petite "marina" rive Sud) et Nantes ville.

Au-dessus de la ville de Nantes, il y a possibilité de mouiller le long de petites îles et îlots et de s'amarrer sur les arbres. Mais personnellement je m'amarrai plus volontiers sur les épis car ceux-ci procurent un bon abri du courant tout en rendant la descente à terre aisée (sans annexe). Il suffit d'avoir à bord de bons piquets en ferraille, et de les planter dans l'enrochement d'un épi. A l'arrière, en sécurité, il suffira de mettre une ancre en garde, si le vent tourne ou forcit.
J'ai passé ainsi deux années (saisons d'hivernage) à Bouchemaine avec mon voilier et je dois dire sans problème important (saisons 71 et 72, je travaillais à l'époque chez Honeywell-Bull à Angers). Le plus embêtant avait été la hauteur d'eau par temps de crues, qui m'obligeait à utiliser le moteur sur l'annexe (courant de +ou- 2Nds). L'épi était recouvert et donc courant présent autour du bateau par ces hautes eaux pour y accéder.

NB : Se rappeler que sur un fleuve le jusant sera toujours d'une durée plus longue que le flot. Donc en tenir compte au moins pour les passages délicats.

Voilà pour ce qui est de partager mon expérience de la Loire et de ses pièges.
Mais c'est une belle balade à faire le long des vignobles du pays nantais et de l'Anjou.




Qu'on se le dise ...et bon vent !



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30/11/2012
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