074 Naviguer entre les patates...
074 Naviguer "secure", entre les patates…
Quand on pense navigation difficile, on pense de suite au large, aux grandes traversées et à toutes les inquiétudes qu'elles peuvent susciter.
Mais il en est bien d'autres navigations délicates, sans doute moins grandioses mais pas pour autant dénuées de danger et de traquenards tout azimut ! La navigation à l'intérieur des lagons, les atolls ou bien dans les étendues maritimes truffées de patates de corail font parties de ces zones à risques.
Alors quels sont les trucs à connaître pour éviter ces pièges ?
Qu'avons-nous trouvé comme astuces pour prévenir une rencontre avec ces « fantômes sous-marins » ?
Eh bien c'est le sujet traité aujourd'hui.
Tout d'abord le principe de navigation…
La première chose à faire c'est d'utiliser la lumière du soleil et son déplacement au cours de la journée pour bien voir dans l'eau. En effet le moment où les rayons solaires pénètrent le mieux dans l'eau c'est autour du zénith, le midi solaire. Les rayons arrivant pratiquement à la verticale de la surface sont très peu ou pas réfléchis et là vous avez une bonne vision (parfaite avec de l'eau claire et calme) des fonds marins sous la surface. Au passage, un ustensile qui améliore encore cette vision sous-marine c'est d'avoir des lunettes de type "Polaroïd". C'est vraiment le Top !
L'idéal serait donc de partir du mouillage le soleil déjà « haut ». Oui mais dans ce cas, il ne resterait pas beaucoup de temps pour router ! Donc compromis à trouver entre la sécurité de la vision dans l'eau devant l'étrave pour repérer les « patates » et la longueur du parcours à effectuer.
Sachant que le soleil se lève à l'Est et qu'il se couche à l'Ouest, (quelque soit votre position sur la planète), eh bien il sera bien utile de choisir ses mouillages justement en pensant au prochain départ qui serait à éviter face au soleil levant ou pire, pour une arrivée le soir* qui, elle, serait à faire face à un soleil couchant.
Effectivement les heures matinales ou tardives du soir, les rayons solaires arrivent bas sur l'horizon et là, c'est tout le contraire du midi, le maximum des rayons sont réfléchis sur la surface et viennent vous aveugler complètement. On ne distingue donc plus rien sous la surface…Ce risque sera d'autant plus vrais que votre route vous fera sortir du mouillage avec le soleil en plein de face ou pour le soir, y entrer encore face au soleil couchant.
Mais parfois le choix de la zone de mouillage est assez limitée.
* Arrivée le soir : En arrivant le soir dans un mouillage, le risque est beaucoup important que lors du départ le matin. Ceci pour une simple raison… Au départ si vous avez un problème grave comme un échouage, vous avez la journée donc la lumière et du temps avec vous, éventuellement de l'aide pour le régler (on vous voit). Le soir si on se plante, la nuit arrive très vite sous les tropiques et là, les choses vont très vite se compliquer pour vous en sortir… Vous n'aurez plus de lumière, plus personne autour de vous pour vous apercevoir et vous aider… Donc risque très grand et conséquences dramatiques avec la nuit (sans parler de la fatigue cumulée de la journée…/…).
Un très "bon exemple" de cette galère, c'est la Mer Rouge…
La côte Est de la Mer Rouge étant prohibée (toute la partie Saoudienne est interdite d'approche !), c'est sur la côte Ouest que vous chercherez des mouillages. Bon pas grave, c'est même bien : c'est la plus jolie côte de toutes façons (valable pour Erythrée, Soudan, Egypte) !
Eh bien vraiment pas de chance pour le navigateur, le matin vous quittez le mouillage en traversant la barrière côtière de patates et en navigant Est donc avec le soleil en pleine figure… Le soir vous revenez chercher un mouillage à la côte, plein Ouest en repassant à nouveau cette barrière de coraux et avec le soleil couchant cette fois en pleine poire ! D'où le danger permanent et le nombre d'accidents importants, lors de cette traversée de la Mer Rouge. Chaque année plusieurs voiliers sont perdus sur les récifs en Mer Rouge (régulièrement 4 à 5 sur un passage moyen de 150 bateaux environs).
En cause : la navigation entre les patates face au soleil (aussi les tempêtes de sable, fréquentes, elles surviennent d'un coup, réduisant la visibilité à néant) !
C'est dire le danger qu'engendre cette navigation, toujours face au soleil dans des zones truffées de patates de corail…
Alors quelles astuces utiliser pour déjouer ces pièges ?
Comme on l'a vu précédemment utiliser la lumière avec soi, en s'équipant en plus de lunettes Polaroïd. Premier point. Ensuite mettre un observateur en vigie.
Eh oui cette technique était bien connue des anciens et nous avons tendance à l'oublier un peu vite de nos jours.
Comment faire ?
Eh bien placer un équipier en hauteur, sur le premier étage de barres de flèches par exemple. Vu de là-haut, le repérage des fonds sous-marins est très nettement amélioré, même à bonne distance devant. Ce qui laisse plus de temps pour une manœuvre éventuelle d'évitement de patate !
Accessoires pour la vigie…
Les marches de mât…
Si vous envoyez un équipier sur les barres de flèches il faut impérativement qu'il soit muni d'une sécurité. Un harnais au moins, sinon un baudrier d'escalade. En cas d'échouage, il faut impérativement qu'il soit sécurisé, sinon c'est la chute assurée avec "ce coup de frein brutal" !
A bord de Kerguelen, les deux mâts sont équipés de marches, fixes. C'est vraiment l'idéal et sont très pratiques pour monter jusqu'aux barres de flèches.
Mais nous avons trouvé mieux…
L'échelle de mât…
Comme nous disposons aussi d'une échelle en aluminium (de 3,50 m, pour les ports à grand marnage et /ou carénages…), eh bien je l'ai fixée tout simplement à poste fixe sur le haut du balcon de pied de grand mât (voir photo). Pour ce faire j'ai pris deux tasseaux, glissés dans les montants (après avoir retiré les patins en caoutchouc), découpés à la forme du balcon (en demi-lune) et attachés par des garcettes. Le haut de l'échelle est fixé, lui, directement sur les bas haubans, idem par des garcettes.
Et le tour est joué !
Ceci nous fait une voie rapide pour monter à plus de quatre mètres au dessus du pont (donc 6,5 m environs pour la hauteur des yeux au dessus de l'eau) et avoir un poste de vigie de première !
Même les enfants prenaient plaisir à y monter tellement cela était amusant, facile et sécurisé.
Voir sur la photo, la mise en place de cette échelle de vigie.
Elle peut rester à poste même sous voiles. Je lui ai trouvé un emplacement qui ne gène en rien les manoeœuvres de voiles d'avant ni de grand mât. C'est le top !
Détail de la fixation sur le balcon de pied de mât.
Le siège d'étrave…
Un petit accessoire facile à faire et bien utile également, c'est un siège d'étrave. Fixé dans le balcon avant ce petit siège permet de s'asseoir « tout à l'avant » et donc pouvoir observer l'eau et les fonds à la recherche d'obstacles, patates, rochers.
En cas de mauvais temps, il remplacera volontiers la vigie d'échelle qui serait périlleuse avec du vent fort, de l'orage ou de la grêle…
Ce siège d'étrave nous a bien servi durant tout notre périple en Terre de Feu car Moïse se tenait souvent à l'avant sur ce siège pour refouler les growlers avec le pied, surveiller les têtes de roches dans les zones non cartographiées !
En navigation, il servait aussi à jouer avec les dauphins ou découvrir la vie animale océanique… Un poste de vigie que nous squattions volontiers, tous à bord, indifféremment lors des traversées…
Siège d'étrave sur Kerguelen…
NB : Au passage vous noterez que le balcon avant n'est pas fermé. Les deux parties bâbord et tribord, ne sont pas jointes. Ceci pour une raison pratique…
Dans certains endroits il est impératif de mettre votre bateau l'avant à quai. Et là, souvent cet endroit de l'étrave n'est vraiment pas fait pour cette utilisation : descendre du bateau à terre. Cela devient vite acrobatique, voire dangereux. J'ai donc volontairement omis de souder ensemble les deux parties du balcon avant. C'est le siège qui rend ces parties solidaires, maintenues en plus avec un gros cordage (que l'on voit ici ouvert). Il ajoute une sécurité comme « filière ».
En cas de besoin de descente par l'avant, j'ôte le siège (monté par des brides "fer à cheval" inox) et laisse le cordage ouvert. Cela donne un passage sécurisé et l'endroit est même facile pour y mettre une passerelle. Ce dont nous avons profité à maintes reprises. Ce sont les difficultés avec Nanou, handicapée, qui nous a fait trouver toutes ces astuces "pratiques".
Le Sonar horizontal…
Cet appareil existe effectivement mais je le laisse volontiers aux bateaux « presse- boutons ». Nous n'en sommes pas. Eh puis je préfère nettement regarder en vrai devant plutôt que de confier mon bateau ou ma vie à un écran de Sonar qui lui ne montre pas "en vrai les choses", mais de vagues échos Radar plus ou moins fiables…
Modernité oblige, la WebCam…
Toujours dans le souci de voir en vrai, loin et de haut, on pourrait imaginer facilement aujourd'hui positionner une Camera (genre WebCam) dans ses barres de flèches ou même plus haut encore et la relier à l'ordinateur de bord. Seul souci supplémentaire la longueur du fil USB qui nécessite de mettre un amplificateur de ligne sur le câble, mais ce montage est possible, (ce matériel existe pour diverses longueurs amplifiées, jusqu'à 60 m, mais qualité à vérifier !).
On trouve des câbles USB de 5 m de long, amplifiés, pour 25€ facilement.
Un autre exemple ici… (câble USB amplifié de 20 m pour 85 $)…
http://www.usbgear.com/USBG-AB60.html
Je n'ai pas fait l'essai mais je compte le faire prochainement car j'ai une petite Cam en surplus…
L'idée me paraît bonne en tous cas ! L'idéal étant de pouvoir la motoriser pour qu'elle puise faire un 360° et ainsi fournir un tour d'horizon total ! Par exemple, surveillance au loin en zones de pirateries… ! Une cam en tête de mât, mettons à 15 m de haut, verrait un bateau à plus de 20 nautiques de distance alors que l'horizon apparent à hauteur des yeux sur le pont d'un voilier, ne dépasse guère 4 ou 5 nautiques.
Bon, c'est à essayer. Si certains l'on fait je suis intéressé de connaître le résultat.
Qu'on se le dise …et bon vent !
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