115 Heure de bord, Passage de la ligne, casse-têtes...
115 Heure de bord, Passage de la ligne, casse-têtes...
Il en est de cette formule, chère à nos humoristes, comme de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Tout est relatif. Pourtant il est dès fois où le besoin fait que l'on se serve d'une troisième formule voire d'une quatrième pour exprimer l'heure. C'est le cas de tous ceux qui se déplacent au loin sur la planète.
Normalement, pour qui ne voyage pas, rien n'est plus simple que l'heure, il suffit de regarder sa pendule ou sa montre et il saura l'heure immédiatement ! Quand on est pilote, marin ou randonneur de l'extrême, là, les choses se compliquent sérieusement pour devenir parfois un casse-tête.
Pour le marin hauturier, cette heure « fixe » n'existe pas. Ainsi le navigateur doit posséder quatre horaires différents pour s'affranchir des contraintes temporelles de la navigation au long cours.
Ce sujet revient régulièrement dans les messages que je reçois ; également dans les conversations lorsqu'il s'agit d'expliquer la fameuse "ligne de changement de date".
Carte des fuseaux horaires.
Alors que sont donc toutes ces horloges utiles, voire indispensables, à la navigation transocéanique...?
1) En tout premier, bien sûr on a l'horloge du pays où l'on est, l'heure officielle de l'endroit où l'on vit habituellement. Première pendule.
2) Ensuite, un marin (tout comme les pilotes également) sont des gens qui exploitent des informations météos. Là les choses se compliquent déjà un peu. En effet, les documents météos étant destinés à plusieurs pays, il faut donc les transmettre en heure dite « Universelle ». Cette heure universelle est encore appelée T.U. (Temps Universel) ou GMT (de Greenwich Meridian Time). Sinon, il serait impossible de connaître le timing réel des évènements auxquels se rapportent ces messages. Conclusion, tous les gens qui ont à faire avec des documents météos, ou de navigations pour la mer, comme pour les airs, connaissent uniquement cette heure universelle, cette heure TU ou GMT. Après, chacun corrige cette heure "universelle" en fonction de son pays, de son fuseau horaire, de ses occupations. Seconde pendule.
3) En troisième position on va trouver l'heure du pays où l'on se rend. En effet, lorsque l'on se déplace vers l'Est (E) ou vers l'Ouest (W), on va franchir les méridiens terrestres plus ou moins rapidement suivant sa vitesse. Donc, il sera utile, voire indispensable, de connaître l'heure du pays où l'on se rend. Troisième pendule.
4) Enfin on va trouver l'heure de bord. Cette heure correspond exactement à la longitude du lieu où vous êtes. Si aujourd'hui cette heure de bord paraît superflue, durant des années elle était primordiale. En effet les marins (comme les pilotes d'avions au long cours) devaient absolument connaître l'heure à la seconde près, du passage du soleil, pile poil au-dessus de leurs têtes. Cela permettait de faire le point tout simplement à l'aide du sextant et de tables de calcul éphémérides. De nos jours cela semble risible avec nos appareils pratiquement tous couplés à des données GPS, reçues par satellites. Pour un marin cette heure "locale" reste bien utile. Quatrième pendule.
Pour prendre un exemple concret voici un aperçu de ce qui peut se vivre à bord :
1) Il est 14h30 de l'après-midi, à Sète - France. C'est donc l'heure du pays de départ (heure d'hiver).
2) Il est 13h30 en heure TU (valable pour le monde entier, il faut y ajouter la date du jour).
3) Il est 10h30 du matin à Kourou si je me rends en Guyane.
4) Il est 12h45 (il "peut" être, fonction de ma position en longitude) à bord si je suis entre les Canaries et les côtes du Brésil. Ce qui veut dire que le soleil va passer au zénith de ma position à cette heure fatidique.
5) Mon fiston habitant la Calédonie j'ai donc une cinquième horloge me donnant l'heure là-bas - Il ne s'agit pas de s'appeler mutuellement au beau milieu de la nuit ! Eh bien, toujours dans notre exemple, il est 00h30 du matin à Nouméa, mais le lendemain matin déjà pour eux.
Voici donc pourquoi un marin ou un pilote s'intéresse à toutes ces horloges, si différentes.
Alors un dernier cas plus complexe, vient perturber tout ce mic-mac d'aiguilles...
C'est le passage de la ligne de changement de date.
Nombreux sont ceux qui n'arrivent pas à comprendre la nécessité de ce tour de passe-passe !
Le problème ne se pose pas habituellement en navigation hauturière. Que ce soit en bateau ou en avion, tout se passe normalement bien. Oui, sauf dans le Pacifique, le jour où vous traversez la ligne de changement de date qui se situe, elle, sur le 180 ième méridien de longitude. En fait cette ligne est parfois un peu décalée en fonction des territoires traversés. Il est bien évident qu'on ne peut pas séparer une île de son archipel principal ou bien une province en deux sous le prétexte qu'elle se trouve juste sur le méridien 180. Donc pour ces territoires concernés, on fait un petit crochet dans la ligne pour tout englober sur le même fuseau horaire. Ce qui est logique.
Pourquoi cette ligne de changement de date ?
Eh bien lorsque l'on fait un tour du monde complet, on traverse fatalement cette ligne de changement de date (LCD). On va supposer dans un premier temps que l'on parte depuis le méridien origine Zéro (Greenwich) en routant vers l'Ouest. Eh bien au fur et à mesure que vous aller progresser dans cette direction, vos journées vécues ne dureront pas 24 heures comme tout le monde. En effet, puisque vous suivez la course du soleil, vos journées réelles vont en fait, durer plus de 24h (ceci, suivant votre vitesse de déplacement, évidement). Temps mesuré au passage du soleil à votre zénith sur 2 jours consécutifs. Pour comprendre ce temps perdu sur l'échelle sidérale, il suffit de se mettre dans la peau d'un Strasbourgeois qui regarde le soleil au zénith au dessus de lui, eh bien les Brestois qui sont à 900 kms de là environs dans l'Ouest (donc après le passage du soleil à Strasbourg) devront attendre 30 minutes environs avant de le voir arriver à leur tour au dessus de leurs têtes. Le soleil se déplaçant à 1670 km /heure, il faudra attendre exactement 32,3 minutes avant de le voir passer au zénith à Brest.
Conclusion : si vous vous déplacez de Strasbourg à Brest, dans ce même laps de temps de 24 h, eh bien votre journée sidérale réelle aura duré : 24h et 32, 3 minutes exactement.
Eh bien il en est de même pour le navigateur qui lui, ne s'arrête pas là, mais continue son voyage. Ainsi chaque jour il trichera un peu, au point que, fatalement, arrivera le jour ou il aura rattrapé une journée complète. Il faudra donc zapper cette "journée trichée" pour en sauter une, entière, au moment de passer la ligne de changement de date.
C'est ainsi que nous avons sauté une journée le 16 septembre 1992 en traversant le Pacifique lors du passage de la ligne dans le sens Est - Ouest.
Alors suivant que vous voyagez vers l'Ouest ou bien vers l'Est eh bien il faudra soit sauter une journée complète pour le voyageur allant vers l'Ouest, soit revivre deux fois la même journée pour le voyageur allant vers l'Est. Car à ce moment-là, c'est tout le contraire qui se passe sur votre horloge sidérale !
En effet, router vers l'Est, et c'est le second cas, l'inverse...
Quand vous allez vers l'Est vous allez contre la course du soleil, Cela veut dire que vos journée ne vont pas être rallongées cette fois mais tout le contraire, raccourcies puisque vous allez contre la rotation apparente du soleil. C'est la même chose qui se passe au fond mais à l'envers, vous aurez à revivre une journée supplémentaire, celle du jour de votre passage de la ligne car il vous manquera du temps "grignoté chaque jour à remonter le soleil"� ! Il faudra donc vivre deux fois la même journée. Pour notre exemple de Strasbourg Brest, mais dans l'autre sens (c.à.d. Brest � Strasbourg) cela revient à dire que la journée sidérale dure exactement 24h � 32,3' = 23h 27,7 environs. Le voyageur allant vers l'Est devra au moment de passer la ligne, revivre deux fois la même journée.
Il m'est arrivé plusieurs fois de revivre une seconde journée identique en remontant cette ligne. Si vous allez de Calédonie à Tahiti par exemple, c'est le cas ou bien si vous prenez l'Avion à Sydney pour vous rendre aux Etats-Unis, idem.
Là c'est trop rigolo :
Vous partez de Sydney à 12h30 le midi et vous arrivez à Los Angeles à 8h45 au matin du même jour. Autrement dit vous arrivez aux USA pratiquement 4 heures avant même d'être partis ! Cherchez l'erreur ! En fait vous avez 13 h de vol + 7h de décalage horaire, ce qui fait bien 20h + les 4h qui restent pour arriver à l'heure du "jour d'après", soit ce second jour re-vécu à cause du passage de la ligne.
Il en est de même pour tous ceux qui passent cette ligne de changement de date, il faut se recaler sur l'horloge universelle du temps.
Ceci est un pur casse-tête, à la Sherlock Homes, très drôle au fond.
Les marins et les pilotes font toujours une petite fête lorsqu'ils coupent l'équateur terrestre pour la première fois de leur vie. Mais, personnellement, je trouve que la chose la plus curieuse est bien de faire sauter une journée entière de son existence ou bien de revivre deux fois la même à la coupure de cette ligne mythique de changement de date. Un évènement drôle et rare tout de même dans la vie de tout individu.
Qu'on se le dise et ...bon vent !
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