Le Trésor Des Kerguelen

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013 Rôle des facteurs humains et pilotage…

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013 Rôle des facteurs humains et pilotage…

 

 

     Lorsque j'ai fait ma formation d'instructeur à Carcassonne (dernier trimestre 1986), c'était la toute première fois que dans la formation du SFACT était inclus ce chapitre particulier de l'étude des facteurs humains. J'avais trouvé cela assez passionnant. Ce volet psychologique du travail (s'appliquerait à plein de domaines finalement) m'a bien souvent aidé à y voir plus clair dans l'analyse des situations ou prendre de biens meilleures décisions et tout ceci, pas seulement dans le pilotage...

 

Alors que découvre t-on de particulier dans cet aspect du pilotage pour les facteurs humains...?

 

     En tout premier, il faut se rappeler que dans un avion, il y a des tas de commandes, de boutons, d'interrupteurs à manipuler, de breakers, de roulettes à ajuster, de voyants à contrôler (pour exemple, 934 sur un B-747, et sur un simple Cessna Cutlass IFR, monomoteur : 255 !). C'est dire si tous les sens et appendices de préhension d'un être humain (aux commandes d'un avion) se retrouvent donc occupés !

Il y a 4 pédales aux pieds, la main gauche tient le manche, la main droite manœuvre les inters et appareils de nav... Sur le manche, en plus des commandes principales de vol, il y a parfois une demi-douzaine de boutons poussoirs sur celui-ci ! Ensuite, on a un casque Radio sur les oreilles, le micro devant le nez et les yeux seront pris par l'horizon devant et les instruments du panneau de bord à checker régulièrement.

J'ajouterai même pour le fun, tout en étant bien vrai, que même les fesses sont occupées à ressentir les accélérations de la machine ! Ne dit-on pas dans notre cher milieu aéronautique : piloter avec ses fesses...? Ce qui signifie : bien ressentir ce qui se passe sur la machine en terme de G, en évoluant dans la troisième dimension !

 

Alors, on voit bien que la charge de travail pour un pilote est «full».

Tous nos sens, sans exception, sont pris et aux aguets.

 

Pour en revenir à nos moutons, eh bien, si tous les sens de l'être humain sont pris et bien occupés, alors arrive bien vite la question...,

Que se passe t-il donc dans la tête d'un pilote dès l'instant où surgit un problème inattendu, durant un vol...?

 

La capacité intellectuelle d'un être humain a des limites, comme tout être vivant !

 

La charge de travail étant déjà élevée en temps normal, eh bien en cas d'anomalie supplémentaire, le cerveau occultera inconsciemment une partie de «cette charge de travail normal» pour s'occuper de ce problème nouveau surtout si celui-ci paraît «grave». Ceci sera d'autant plus vrai que ce souci revêtira un caractère soudain ou inattendu, voire d'urgence absolue.

Pour bien comprendre ce phénomène d'occultation partielle de la charge de travail voici un schéma, reprenant en superposition la capacité de réaction d'un pilote avec celle de la charge de travail classique, durant un vol.

Puis en rajout (hachures bleues), les conséquences d'un souci inattendu...

 

Charge pilote1_20170202_0001.jpg

 

La courbe bleue représente la charge normale de travail du pilote.

La courbe rouge représente la capacité standard de réaction d'un pilote,

Le pointillé bleu représente le travail supplémentaire demandé au pilote de manière inattendue, soudaine...

Le pointillé rouge est la période du vol en croisière. Celle-ci est généralement longue par rapport au début ou à la fin d'un vol. elle se trouve donc très raccourcie ici pour la simplification du schéma.

La zone hachurée (bleue) représente la partie du travail qui sera occultée par surcharge instantanée. D'où le DANGER extrême de cette surcharge.

 

En abscisses le temps de vol à ses différentes phases (décollage, vol de croisière et atterrissage).

En ordonnées le taux de charge de travail du pilote.

 

     En observant ce schéma, on constate que le décollage et l'atterrissage sont les phases les plus « préoccupantes » pour un pilote. Le vol en croisière est généralement une moindre charge. Maintenant, on voit aussi que, plus le vol avance et plus la capacité de réaction du pilote diminue. Ceci est tout à fait normal... La fatigue du travail s'accumule, parfois du stress s'ajoute avec des ennuis même mineurs durant le vol. Cela peut être du à une météo dégradée, le décalage horaire ou même des soucis physiologiques plus personnels. Et là, sur cette courbe très parlante, on voit de suite que le danger maximum se situe dans la phase critique de fin de vol. En effet, si un incident important et soudain se produit, la charge de travail demandée au pilote va vite dépasser sa propre capacité de réaction. Le manque d'expérience, de connaissances, d'assurance ou même la peur peut encore aggraver ce dépassement... Tant que le pilote sera sous la courbe rouge, même avec un souci en plus, il aura les capacités intellectuelles à le gérer. Mais dès l'instant que le problème l'accaparera trop, il éliminera une partie de son travail normal en venant crever la courbe rouge ! Là, il y a grand danger...

A ce moment-là, sans même s'en rendre compte, le pilote va aussitôt vouloir régler ce nouveau problème sans se soucier du reste alors que cela peut intervenir dans une phase critique du vol (comme l'atterrissage ou sa préparation). Et, là, il peut occulter complètement d'autres manœuvres absolument indispensables pour le vol. C'est ainsi qu'il pourrait en oublier de sortir le train et l'avion de se poser train rentré ! On appelle cela "la tunelisation des actions contraintes". La sagesse et la bonne réaction aurait été de faire une remise des gaz pour un tour de piste supplémentaire avec du temps, donc du recul pour analyser et solutionner cette urgence.

La connaissance de ces facteurs humains peut vraiment aider à beaucoup mieux gérer ce genre de soucis.

 

 

Dernier élément des facteurs humains...la « loi de Murphy ».

 

 

     A l'origine cette loi a été édictée par un ingénieur en aéronautique américain Edward Murphy Jr. qui a dit... 

«Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera forcément mal»

Au quotidien, on appelle çà : «la loi de l'emmerdement maximal» !

 

Cette loi qui peut paraître de l'humour au départ, a été prise très au sérieux dans le milieu aéro et on dit par référence à cette loi de Murphy... «  Quand tu as deux ennuis, ne laisse jamais arriver le troisième car c'est celui-là qui t'enverra au tas ! ». Eh bien c'est exactement ce qui se passe dans les facteurs humains sur notre courbe. Là où la capacité de réaction du pilote sera dépassée par la charge de travail demandée, il y aura DANGER immédiat.

Alors un bon conseil d'instructeur … Ne laissez jamais arriver à vous un troisième problème avant d'avoir solutionner les autres car à ce stade, la cata (un crash!) vous guette vraiment.

 

 

Exemples d'ennuis concomitants...

 

1) Mauvaise météo, 2) Repères au sol perdus, 3) Attention DANGER, déjà 2...!

 

1) Passager qui est malade ou panique, 2) Ennuis mécaniques même passagers (ratés moteur ou givrage carbu par ex), 3) Attention au suivant, DANGER !

 

1) Autonomie carburant trop juste, 2) Météo qui se dégrade, ...3) Attention au 3 ième, DANGER...!

 

1) Panne moteur en vol, 2) Passage en IMC par écoulement d'huile sur la verrière, 3) Survol maritime en FL au dessus de la couche (à 6/8 ième de StCu)... Attention : là çà en fait 3 = DANGER... et il y avait réellement danger...

 

Voici pour ce dernier exemple, le comment et le pourquoi...

 

Panne vécue par moi même en Guadeloupe avec mon instructeur/ examinateur (Reine Bouret - lors du passage de ma qualif B en 1982 sur Piper Arrow-3). Je vous assure que l'on était pas trop de deux pour pouvoir atteindre et se poser en urgence au Raizet ! Nous arrivions alors de l'île d'Antigua et la panne est survenue à mi chemin entre les deux îles, au FL 85 et à 18 Nm du terrain (vu au DME). Nous avions alors prévu dans un premier temps de nous poser en pleine nature (dans les champs de cannes à sucre fraîchement coupées près de Gardel - travers St François). Mais un vent favorable de 25 Kts nous a propulsé jusqu'au Raizet, sans moteur... Eh bien c'est tout cela qui nous a sauvé : l'altitude, un fort vent portant, très favorable, et la répartition immédiate du travail (à deux) ! Seul...euh, je me demande bien ce qui serait arrivé... Un grand merci à Reine, mon instructeur, et au petit fenestron latéral (en place gauche) qui m'a permis de voir quand et où poser les roues à l'attéro à PaP (sans parler que le système de secours de sortie du train avait bien fonctionné !). Ouf !

 

Conclusion...

 

Pensez aux facteurs humains et aux courbes de travail tout comme à loi de Murphy, ils vous sauveront peut-être la vie un jour...qui sait ?

 

Qu’on se le dise …et bon vol !

 

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15/02/2017
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