Le Trésor Des Kerguelen

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254 Chèvre pour mâter ou démâter soi-même …

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254  Chèvre pour mâter ou démâter soi-même …

 

 

 

 

     Dès la construction de mon bateau, j’avais prévu de faire un système, à poste, me permettant de mâter ou démâter moi-même (et seul), le bateau. Cela peut paraître présomptueux comme idée, mais non, si on s’y prend bien, ceci n’est pas trop compliqué ni risqué si l’on a anticipé ce besoin.

Voici donc le système que j’avais prévu et qui a bien fonctionné (à trois occasions) en me permettant d’effectuer de difficiles travaux, seul et sans trop de risque…

 

 

 

Le système* dans son principe…

 

 

     Il s’agit tout simplement de fabriquer une « chèvre » avec les espars du bord. Système, qui permettra de créer un point d’appui et de démultiplication par triangle de force. A bord, on a tout ce qu’il faut pour cela en particulier des tangons de spinnaker et des palans. C’est vrai, il faut aussi les avoir en double et identiques. Donc double rails, double chariots, double balancines, double hale-bas, manœuvres, etc… Mais si, dès le départ vous vous équipez ainsi, il sera également aisé d’empanner sous spi, chose que l’on faisait donc avec facilité. Quant aux palans, il faut toujours en avoir un ou deux en réserve.

Sur le pont, juste en face du grand mât, latéralement, j’ai positionné des petites ferrures inox, reprises sur le rail de fargue afin de recevoir les cloches des tangons. De l’autre extrémité, les deux autres embouts sont couplés solidement (avec un cordage) pour former un point d’attache unique.

 

 

 

*Système : Une autre manière d'opérer serait de mettre la chèvre à poste, verticalement, le plus près possible du mât et de mettre à sa tête une grosse poulie. Dans ce cas, le "bout tirant" part du guindeau, passe dans cette poulie et va jusqu'au mât. C'est une autre possibilité, bien sûr. Cette méthode a le mérite de ne pas avoir à bouger la chèvre durant l'opération.  A l'utilisation d'ailleurs, cette méthode est plus pratique que la première.

 

 

 

Utilisation pratique…

 

 

     Les tangons sont donc montés sur leurs ferrures de ponts puis attachés par la tête et descendus à plat sur le pont, le plus possible. Ils arrivent en pratique près de l’enrouleur à l’avant au-dessus du guindeau. Ils constituent donc un triangle d’appui qui vient se caler juste en face du mât à descendre sur l’extérieur du pont (pavois, liston, rail de fargue – à prévoir suivant les différents plans de pont). Ce qui est une excellente position de basculement du système.. Mon bateau est un cas particulier car c’est un ketch avec plan de pont appuyé sur teugue*. Cependant, ce montage sera forcément possible sur d'autres plans de pont.

 

Donc en tout premier je me sers du grand-mât pour descendre l’artimon vers l’arrière. Les pieds des mâts étant pris dans un étambrai (tout exprès en vue de démâter seul), il n’y aucune difficulté pour descendre un mât à l’aide de l’autre. Une fois à plat pont, on enlève l’axe de broche du pied et on glisse le mât à bonne position sur le bateau (mettre des tréteaux si nécessaire pour conserver une hauteur de garde pour la tête, dans le cockpit au moins).

 

On en arrive donc au grand mât. Ce sera aussi le cas si vous avez un sloop ou un cotre.

 

Là, on enlève le ridoir de l’étai avant. (Si vous avez un enrouleur, il sera sans doute nécessaire de démonter la voile au moins - moins de poids...) et on le fixe sur la double tête des tangons.

Depuis ce point de fixation, il faudra prévoir un cordage solide (drisse de 12 à minima) que l’on renvoie, soit sur le guindeau, soit sur un winch. Ce choix sera à faire en fonction de votre connaissance et de la sensibilité de ce treuil. Pour la descente d’un mât, ce choix ne sera pas trop important mais pour la remontée du mât : si ! Car il ne faut pas oublier qu’il faudra mouliner énergiquement pour soulever (seul) cet espars depuis la hauteur du pont jusqu’à la verticale en faisant donc  l’opération inverse.

Bien sûr, avant de commencer la descente proprement dite du mât, il faudra desserrer tous les ridoirs du haubanage et n’en laisser aucun sur l’avant. Bien faire attention aux fils et appareils éventuels à déconnecter sur ce mât. Pour un mât conséquent (grand et/ou lourd), ne pas hésiter à intercaler un palan dans le système de levage entre le point d’attache et le guindeau.

 

On peut alors commencer la descente du mât, vers l’arrière du bateau. La chèvre créée par les tangons joints, va donc se lever au fur et à mesure que le mât (donc aussi l’étai) va basculer vers l’arrière. Ce point va créer une ligne brisée avec un renvoi de forces sur la drisse allant au winch (ou guindeau si c’est le cas). Si vous êtes à terre pour effectuer cette manoeuvre, il n’y aura en principe pas trop de surprise. Attention toutefois si vous faites çà sur l’eau car un bateau peut créer des vagues et vous faire prendre des risques inattendus lors de cette opération. Si c’est le cas, il faudra choisir un moment calme (d’un point de vue navigation – heure repas par ex…) et sans vent.

 

Une fois le mât arrivé à hauteur du pont, idem que l’autre, on enlève la broche de l’étambrai* et on glisse le mât sur la longueur du bateau pour l’amener à bonne position. Pour déplacer un mât, bien sûr, il faudra rameuter les voisins ou les amis du mouillage. Mais c’est l’occasion d’offrir un bon petit punch à toute l’équipée !

    

 

*teugue : partie intermédiaire entre le franc bord et le pont du bateau. Type de construction très utilisée dans les pays nordiques. Cette partie du franc bord inclinée vers l’intérieur (la ligne de foi centrale) permet de renforcer la structure de la coque tout en gagnant de la hauteur avec un pont type flush deck (sans roof). Cela donne un aspect particulier à la ligne globale du bateau (un peu comme un sous-marin, en forme de fuseau).

 

*étambrai : si votre mât est monté de façon classique (repose sur une platine crénelée ou un plot central…), il faudra bien assurer le pied du mât pour qu’il ne ripe pas à la descente. Se servir du balcon de pied de mât ou autre solide point d’ancrage latéral. Se rappeler qu’un grand mât va pouvoir peser facilement de 100 à 200 kg équipé, suivant les bateaux. Donc bien assurer le maintien de celui-ci en position à son pied avant d'entamer la manoeuvre.

 

 

 

Sécurité pour la remontée des mâts…

 

     Si au cours de la descente, il n’y a pas beaucoup de risque de voir le mât partir de côté, on peut se passer de sécurité comme les drisses qui peuvent servir de retenue latérale (quoique…). Par contre à la remontée, utiliser ces drisses en guise de retenue sera impératif. De même il sera sécurisant de remettre en place tous les haubans (avec ridoirs détendus) en place se trouvant sur l’arrière. Ceci sera une sécurité absolue quand le mât atteindra sa position verticale (impossibilité d’aller plus loin ni devant ni sur les côtés). Pour ma part, ayant un étai de trinquette pris à seconde hauteur de barres de flèches, je le montais de suite en sécurité. Restait ensuite les deux haubans avant (enrouleur et second étai libre).

 

 

 

Conclusion…

 

     Voici un bon moyen de mettre en place son mât, seul et sans appareil de levage particulier. J’avais prévu ce système pour le cas où j’aurais à démâter ou re-mâter en urgence et seul dans un endroit complètement isolé. Cela n’a jamais été le cas mais je l’ai fait néanmoins trois fois. A la construction du bateau (1977 - 78), à la mise à l’eau après transport routier (1979) puis enfin en Calédonie où j’ai tout remis en état pour un check-up complet du bateau (1998).

 

 

Qu’on se le dise …et bon vent !

 

 

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05/07/2015
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