014 Au coeur de la tempête... Ancre flottante...
14 Au coeur de la Tempête... Ancre Flottante…
Article destiné plus spécialement aux navigateurs confrontés au très mauvais temps et qui se mettent à la cape…
Il existe bien des livres sur le sujet. Je ne vais donc pas refaire ici ce qui est beaucoup mieux décrit dans les traités de navigation. Néanmoins, notre expérience du mauvais temps est assez "riche", malheureusement. Cela nous a amené à travailler sur la technique, à peaufiner la conduite à tenir dans les coups de vents difficiles … Alors ce sont des astuces, des améliorations que nous avons trouvées et appliquées simplement aux techniques usuelles.
Premier "truc" : concernant l'utilisation de l'ancre flottante…
Si cet engin est obligatoire à bord de nos bateaux hauturiers, il n'en est pas moins délicat pour ne pas dire dangereux à l'utilisation. Quand vous êtes à la cape dans la tempête, le bateau aura tendance (en ayant attaché la barre en butée sous le vent, comme cela devrait être le cas), à se mettre grosso modo de 60°à 80° du lit du vent. Cette allure de "cape", classique, maintiendra au bateau une dérive assez conséquente (voir Nota1en bas)… Ce qui sous-entend que, sous votre vent, vous disposez d'eau libre sans obstacle ! Ce qui n'est pas toujours le cas. Dans ce genre de situation, vous décidez de mettre à l'eau votre ancre flottante pour ralentir cette dérive en direction de la côte. Et c'est là qu'il est bon de connaître quelques règles pour ne pas se faire piéger par celle-ci car une fois mise à l'eau, c'est trop tard...
Tout d'abord surtout ne pas la mettre à l'eau par l'étrave mais plutôt par un dalot ou par un chaumard latéral vers le quart avant du bateau (du côté du vent, bien sûr). Pourquoi ? Eh bien tout simplement si vous voulez vous aider du moteur plus tard pour la remonter à bord, la manoeœuvre sur le côté sera aisée alors qu'à l'étrave, l'haussière ira plus facilement se mettre dans l'hélice. De plus les manipulations "tout-à-l'avant" sont toujours dangereuses ! Premier point.
Seconde astuce...
Surtout ne pas utiliser une amarre toronnée pour mettre à l'eau votre "parachute" mais utiliser du bout tressé. Pourquoi ? (D'abord, dès l'engin mis à l'eau, les efforts engendrés dessus seront considérables. Ensuite, parce que le parachute n'a pas une coupe ni une symétrie de fabrication parfaite. Donc inévitablement, l'ancre flottante va se mettre à tournoyer comme une toupie.… Et vous êtes incapable de deviner par avance dans quel sens en plus ! Vous avez mis un émerillon ? …avec ou sans, c'est pareil, car l'orin de récupération viendra annuler son rôle. Donc si vous avez un bout toronné, soit il va se dé-toronner, soit il va sur-toronner en "surpattant" sans cesse. Dans les deux cas je ne vous dis pas le "tirbouchonnage" que cela produit et ceci très rapidement… Nous avons dé-toronné une haussière longue de 80 m (de 20mm de ?) comme ça sur près de 20 m de longueur ! Je peux vous dire qu'elle était irrécupérable après cette manip (on a dû couper ces 20 m )…. Bref, Donc utiliser impérativement un cordage tressé (genre amarre tressée ou drisse, gainée ou pas, peu importe) ! Bien faire attention également au point d'attache sur le bateau, car les efforts montent vite à plusieurs tonnes... (noeud de chaise autour du pied de mât = bien - Plus, en sécurité absolue : avoir un couteau bien tranchant prêt à servir et accessible).
Ensuite le problème de l'orin de relevage…
Là encore, beaucoup de questions sans réponse. D'une part cet orin risque de venir annuler la fonction de l'émerillon (si vous en avez un sur ce parachute) et en plus, il va forcement s'entortiller lui aussi autour de la retenue principale de l'ancre flottante. Alors que faire ? Nous, on préfère ne pas en mettre du tout. Pour la remonter alors, vous allez me dire...
Eh bien si votre amarre est passée sur le côté par un dalot ou un chaumard, vous pourrez vous aider facilement d'un winch, ceci depuis le mât ou le cockpit. Il sera même indispensable, mais vous n'aurez pas les ennuis de l'embrouillamini… Ne pas hésiter à s'amarrer directement au pied du mât, c'est un point particulièrement solide et sécurisé par des appuis (balcons, prise de mains, taquets...). On aura aussi la possibilité de s'appuyer avec le moteur, pour "remonter sur le cordage" d'où l'intérêt à l'avoir sur le côté d'ailleurs pour ne pas se le prendre dans l'hélice.
Toujours à propos de cette ancre flottante…
Comme nous trouvons l'utilisation de l'ancre flottante hasardeuse et passive quant aux résultats obtenus, nous avons testé, un autre moyen plus "personnel" de cape (plus long à mettre en place mais moins dangereux)… Celui-ci ralentit bien la dérive tout en calmant efficacement les éléments autour de nous. Cette méthode devient vite primordiale lorsque l'état de la mer se dégrade vraiment en se montrant dangereuse par déferlement (voir Nota 2). J'explique, la voici…...:
Au lieu de mettre à l'eau votre ancre flottante, vous mettez à l'eau des haussières passées entre l'avant (le côté avant, toujours) et l'arrière… Il faut en passer plusieurs (grosses de préférence, flottantes de préférence). En mettre des longueurs différentes et suffisantes pour qu'elles s'étalent sur la surface les unes à côté des autres en décrivant un arc de cercle au vent du bateau...
Voir ici sur ce croquis le rendu d'un tel système...
Ces haussières auront pour effet de ralentir votre dérive (donc idem que l'ancre flottante), mais en plus, de calmer l'état de la mer juste à côté de vous au vent ! Cet effet est particulièrement bénéfique sur les déferlantes.… Les cordages, en sapant les vagues par leurs bases, les dégradent en ralentissant la survenue du déferlement…. La dérive du bateau elle-même procure aussi des remous, propice à créer ce calme relatif...Cette expérience nous a vraiment étonnés et rassurés.
En pratique la longueur de ces brins peut varier de 1,5 à 3 fois la longueur du bateau… Ils vont s'étaler et agir les unes après les autres, se complémentant ainsi, suivant qu'ils se trouvent sur la pente montante ou descendante de la vague arrivante.
Notre ami Guido (et Yvonne Borsani sur leur sloop "Elena") qui a une bonne expérience du mauvais temps lui aussi a fait l'essai avec un petit foc de tendu à plat sur l'eau, (toujours de la même manière) entre l'avant et l'arrière du voilier en obtenant de très bons résultats quant à l'atténuation du déferlement. Sa mise en oeœuvre (et sa récupération) est toutefois plus délicate que des haussières seules (voir Nota 3) …!
Nota 1 : Si vous disposez d'une voile de cape (sur un mât arrière : ketch, yawl) genre tapecul, le bateau serrera plus le vent. Au contraire si vous avez du fardage sur l'avant (gréement de goélette, plusieurs enrouleurs sur l'étrave…), le bateau aura tendance à abattre davantage en travers du vent !
Nota 2 : Une vague devient instable et donc se met à déferler lorsque sa proportion hauteur / longueur dépasse 15%. Ce déferlement se trouve aggravé par un courant si celui-ci est de sens contraire au vent. Plus cette différence est grande, plus la crête est haute, puissante et rapide. C'est la cause principale (quasi la totalité) des 1500 naufrages répertoriés officiellement autour du Cap Horn entre les années 1895 et 1915 (zones appelées escarceos dans les documents maritimes argentins et chiliens) !
Nota 3 : Une voile usagée pourra convenir à cet emploi particulier en prenant soin de lui ôter ses mousquetons de draille. Lors de sa mise à l'eau également ajouter une (des) petite bouée (un pare-battage fait l'affaire) à chaque pointe pour la soulager... En effet, les ralingues internes en acier inox auront tendance à la faire couler. Dixit notre ami Guido !
Qu'on se le dise ...et bon vent !
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