025 Carburant et purges réservoirs …
025 Carburant et purges réservoirs …
Avant tout vol, la purge des réservoirs de l'appareil est une opération technique indispensable en aéronautique. Ce geste anodin fait partie intégrante de la visite pré-vol et ne devra jamais être négligé surtout si vous volez dans des régions tropicales humides ou, pire encore, dans des zones équatoriales inhospitalières, chaudes et très humides. Pour ce faire, il y a toujours à bord des petits appareils, une éprouvette graduée permettant de réaliser cette purge des réservoirs. Et cette éprouvette peut s'utiliser dans ses deux sens suivant le type de robinet des avions. Robinet à commande en "T", utilisation côté "bordure crénelée" et robinet à clapet, à utiliser coté "pointeau". Un dernier conseil judicieux : lors du test regardez bien ce qui en sort du réservoir car parfois on peut facilement confondre l'eau avec l'AVGAS (normalisée légèrement bleutée ou verte mais parfois fort claire !). Et il faut recommencer l'opération tellement il y a d'eau, condensée à l'intérieur !!! C'est toujours une vraie surprise pour le pilote, de constater cela mais en zone équatoriale, ce n'est vraiment pas rare, malheureusement...
Pourquoi cette mise en garde...?
Tout simplement, ce sera dans ce genre de régions tropicales/ équatoriales humides que l'on aura la plus grande "malchance" d'avoir de sérieux ennuis en vol si on néglige cette petite et très simple opération avant tout vol.
En effet, dans ces pays au climat équatorial, les paramètres météos changent vite et peuvent passer parfois par des extrêmes surprenant. Ainsi, par exemple si l'on passe d'une hygrométrie ambiante de 95% à 25%, ajouté d'un bon gradient de température, eh bien le résultat d'un tel changement brutal peut amener rapidement à des dépôts d'eau dans les réservoirs de n'importe quel véhicule (donc avion aussi !). Cela se fera d'autant plus vite en temps et en quantité surtout si ceux-ci sont équipés de gros réservoirs et en même temps qu'ils soient "proche de vide".
La quantité d'eau produite, résultante de cette condensation sera liée principalement à ces 2 paramètres (cas1) mais il peut y en avoir d'autres (cas 2,3,4,5...).
1) Région chaude à très forte humidité & Réservoirs proches de vide.
2) Réservoirs multiplexés*, de grosse capacité.
3) Gradient de température et/ou d'hygrométrie, avec variabilité fréquente dans les 2 sens.
4) Stockage de l'AVGAS en fût (ou tank spécifique) sur période de longue durée avant de refueler l'appareil.
5) Immobilisation non récente et/ou prolongée de l'appareil.
*Réservoirs multiplexés : Ces réservoirs multiplexés sont de véritables pièges car très souvent le "réservoir haut" n'est pas utilisé pour des raisons de PTAC maxi (ces réservoirs sont montés en cascade dans les ailes généralement et le dièdre de l'aile les positionne plus haut que le principal). En restant vides, ceux-ci vont donc condensés un maximum (l'eau sécoule alors vers celui plus bas !) et le jour où vous vous en en servez, une quantité d'eau importante peut se trouver à l'intérieur. Là, en basculant le robinet du cross-feed, le risque de panne moteur est à son comble !
La condensation en réservoir, comment cela fonctionne-t il...?
Si votre réservoir est plein de carburant, cela même pour un tank de grosse capacité, il y aura donc très peu d'air dedans. Ce faible volume d'air résiduel contiendra donc très peu d'eau aussi en suspension sous forme de vapeur (invisible mais toujours présente - à moins d'être dans le désert de Gobi ou d'Atacama !).
A contrario, si votre réservoir est presque vide, il y a aura une grande quantité d'air à l'intérieur et ce d'autant plus qu'il sera gros. Un phénomène de condensation sera donc propice à un dépôt d'eau au fond en cas de variation brutale de température/ hygrométrie de l'air ambiant. Le danger est là et bien caché en fait par ces variations de paramètres MTO.
Un exemple pour bien comprendre cette histoire de vapeur d'eau contenu dans l'air...
Lorsqu'il y a saturation d'une masse d'air en vapeur d'eau, ces vapeurs vont se transformer en gouttelettes qui apparaîtront sur les parois du réservoir par condensation sur les parties plus froides. Ce phénomène est typique par exemple, de la formation des nuages. Mais dans un réservoir fermé, ces gouttelettes vont ruisseler à l'intérieur du compartiment et aller droit au fond puisque le carburant contenu dedans aura toujours une densité plus faible que l'eau (1 pour l'eau et 0,7 à 0,8 pour des carburants classiques types essence, 100LL ou Avgas130 pour l'aviation).
Voici un tableau donnant la quantité d'eau formée dans 1 m3 d'air, en arrivant à saturation, en fonction de la température de l'air sous un climat chaud et humide à pression constante...
Exemple concret pour une bonne compréhension de ce phénomène...
En regardant ce tableau, on voit que pour +30°C de température ambiante, si on est à saturation, on aura 30 gr d'eau en suspension dans un réservoir de 1000 L et cela toujours sous forme de vapeur invisible (c'est bien çà le côté "pervers"), ce qui est beaucoup. Si votre réservoir est vide et que la tempé durant la nuit descend à +10°(par exemple) eh bien il va y avoir à ce moment là...30-9,2 =19,8 gr d'eau en trop dans le réservoir (tjrs sous forme de vapeurs au départ mais qui vont vite condenser au refroidissement). Cette saturation va donc transformer cet excédent en gouttelettes et ruisseler sur ses parois dedans ! Conclusion au petit matin vous aurez près de 20 gr d'eau (soit 2 cl) au fond de votre réservoir. Si on reproduit ce phénomène de variation 10 jours de suite (avec des tempés identiques et tjrs réservoir vide), au bout de 10 jours, c'est 2X10 = 20 gr d'eau ...et au bout de 50 jours (disons environs 2 mois...) eh bien ce sera 50 X 20 = 1000gr = 1 Litre d'eau au fond, carrément.
Alors imaginez que vous laissiez votre avion remisé 5 ou 6 mois (voire +) sous un hangar dans ces conditions MTO équatoriales avec ses réservoirs vides. Puis à votre retour, vous le reprenez pour partir avec, et cela sans pré-vol et sans purge, eh bien, vous n'irez pas loin car un moteur thermique, et ce quel qu'il soit, ne marche pas encore avec de la flotte en guise de carburant ! Après çà, c'est un atterro dans une savane parmi les zébus ou pire, marais & caïmans, d'assuré ! J'ai vécu cela en Calédonie sur l'île de Lifou ou nous avions créé un centre de formation de pilote et l'Avgas était amené en fûts par bateau sur l'île et stocké sur place, toujours en fûts. Malheureusement personne ne pensait à purger ces fûts, une fois qu'ils étaient entamés. Ce qui aurait dû être fait et suivi de très près par un responsable sur place.
Fatalement sur l'île, arriva ce jour où le moteur d'un avion s'est arrêté en vol (survol local fort heureusement) mais cela s'est terminé par la casse de l'appareil qui avait été forcé d'atterrir dans la nature, en panne GMP ! Cause de l'arrêt GMP : eau dans les réservoirs. CQFD.
Vous allez me dire... mais on ne vole pas en pays tropical humide, nous !... Ben non, pas forcément mais un avion, çà monte parfois très haut et là, les conditions MTO vont vite changées et vraiment pas dans le bon sens, car on retombe exactement que dans le même cas d'un pays tropical humide (au sol)... Exemple...si vous voler par temps très humide et chaud en été...
Au sol, il fait 25° pour 90% d'humidité. Vous partez pour un vol assez éloigné et souhaitez monter en niveau de vol au FL 115 par exemple.
A cette altitude d'environ 4000m, la tempé standard est de -11°C. Comme au sol au départ il fait +25°, on peut retirer 10° par rapport aux abaques de l'atmosphère standard (15°C et 1013Hp) pour obtenir la tempé réelle, soit -1° au FL115. On va retenir 0°, par simplicité pour la démo... Or à 0° de tempé, on ne peut mettre dans l'air "que" 4 gr "d'eau" (sous forme de vapeurs avant saturation) et nous au sol on en avait (à 25° donc) 23gr. Il y a donc un excédent de Vp d'eau de (23-4)=19 gr. Excédent qui va condenser dans le réservoir tant que l'on conservera les conditions MTO du moment à ce FL 115. Une fois revenu au sol à l'issue de votre vol, cette eau condensée ne repartira pas en vapeur, non, un autre air emplira le (les) réservoir (qui se seront vidés un peu aussi en prime !) et tous ces processus d'échanges physico-chimiques continueront incognito à se faire de plus belle.
Conclusion : on comprend alors bien, pourquoi il est si important de purger les réservoirs d'un avion et ce, quelles que soient les conditions MTO de la zone où vous volez. Un réservoir à carburant vide devient en quelque sorte, "un alambic" à fabriquer de l'eau !
Note importante concernant cette fois les "quantités de carburant"...
Cette note peut paraître superflue ou même dérisoire, pourtant elle ne l'est pas. Les statistiques montrent à quel point cela peut devenir catastrophique...
Suivant l'endroit, le pays où vous volez, il va y avoir des tas de raisons de vous inquiéter sur la manière de faire le plein de votre appareil... Là, je ne vais pas parler des histoires d'heure d'ouverture du terrain ou du type d'essence que l'on trouve mais tout "bêtement" de la norme utilisée pour vous livrer en carburant...!
En effet suivant les pays, cette livraison va être faite en Litre (L), en gallons US (soit, 3,4L) ou en gallons Impérial (soit 4,2L). Et c'est là qu'est bien caché le vrai problème : la différence entre les gallons US et les gallons impériaux (GB). Pour moi, cela est une hérésie monumentale qui a été, d'ailleurs à l'origine de plusieurs accidents d'avion de ligne, assez récents et catastrophiques (au Canada...)!
Exemple pratique...
Vous demandez à mettre 80 gallons d'Avgas (ou de 100LL ) dans votre tagazou et on vous met les 80 G demandés. Le truc c'est que personne ne pense à demander ni à vous dire si on vous sert des G US ou bien des G GB, "Imperial"...! Ce qui n'est pas du tout la même chose. Si vous avez besoin de 80G Imp, eh bien si à la place on vous sert des G US, il vous manquera au final 15% de carburant pour votre vol. Ce qui pourra entraîner bien des conséquences désastreuses ! Si on donne à l'issue du refueling une fiche marquée ainsi, il est donc impossible de savoir si ce sont des G/US ou des G/ GB sans avoir carrément posée la question.
Alors suivant le pays où vous êtes, demander TOUJOURS à vous faire préciser le type de norme utilisée pour la livraison (gallons US ou gallons GB...?).
Et conclusion : eh bien en comptant en litres, là, vous ne vous tromperez jamais !
Qu’on se le dise …et bon vol !
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