Le Trésor Des Kerguelen

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741 Comment se préparer à un tour du monde…

     Avant le début de cet été, j'ai reçu plusieurs courriers me demandant… Comment se prépare t-on à un grand voyage, genre tour du monde…? Cela peut donc se faire en voilier comme nous l'avons fait mais aussi en véhicule aménagé, voire à pieds sac au dos ou même à vélo comme on voit parfois… Mais si l'on décide de partir dans des lieux vraiments isolés, quelles sont les choses indispensables à posséder à bord, à faire ou à connaître pour partir ainsi loin du monde "civilisé"…?

     Cette question est si vaste, si générale que je n'y avais pas même pensé depuis notre retour en métropole. Alors oui, bien sûr quand on veut partir voyager, naviguer au loin sur les océans ou router dans des régions perdues au bout du monde (cela sera d'autant plus vrai que vous souhaitez vous écarter des sentiers battus), il est absolument indispensable de bien se préparer et ce dans beaucoup de domaines…

     Alors que faut-il donc, comment se préparer pour partir faire son TDM…?

1) Physiquement... Il faut mieux être en bonne forme au moment de partir car le début d'un long voyage sera toujours fatiguant par le changement de vie, de nourriture, les veilles prolongées, les quarts de nuit, naviguer en soi n'est pas "reposant", (et il faut du temps pour s'amariner).

2) Mentalement... Car les épreuves, les galères, les moments de doute ou de frayeurs ne manqueront pas durant tout ce temps (tempêtes, rencontres malheureuses, pannes ou avaries, incidents voire accidents, etc...). Le mental est toujours étroitement lié, pour moi en tous cas, à la connaissance, la culture de façon générale, à la confiance en soi-même !.

3) Matériellement... Car il y a un stock d'outils et de pièces, de petits matériels de dépannage qu'il faudra impérativement posséder à bord avec soi. Il n'est pas question de compter sur le "magasin de Bricolage de la zone commerciale d'à côté" !

4) Médicalement... Il faudra faire un stock de médicaments courants et surtout aussi avoir le petit matériel de base de diagnostics, pour les soins les plus courants. Également un kit, une trousse d'intervention de premiers secours… Le Vidal, plus un livre de "médecine à bord sans médecin" comme celui du Dr Chauve...

5) Socialement... Se créer un répertoire d'adresses qui seront fort probablement utiles au cours du voyage… Ambassades, Consulats, correspondants éventuels pour l'Alliance Française, le CNED (si enfants scolarisés par vous), associations en tout genre ou caritatives et/ou organismes internationaux (ONG) pouvant aider en cas de difficultés...

6) Culturellement... Apprendre et encore apprendre… Là, le choix est grand... Et c'est pour moi, peut-être le poste le plus important car le plus long à obtenir et à entretenir. Étudier un tas de domaines sera toujours utile, car il sera peut-être nécessaire d'avoir de très bonnes connaissances pour pouvoir faire face à une problématique inattendue de l'instant et dans des endroits isolés, dépourvus de toute aide. On ne peut alors compter que sur soi-même, ses propres connaissances donc et le matériel "embarqué".

     Parmi tous ces domaines à étudier de près, je vais citer ceux que nous-mêmes avons étudiés avec patience… Là encore, le choix sera grand mais lié à votre (vos) moyen de locomotion.

- Les techniques de navigations (sextant, boussole, tables de conversion, éphémérides, etc.) Toutes ces choses étaient nécessaires à notre époque. Depuis, le GPS et les nombreux appareils modernes supplantent certaines de ces connaissances qui ne sont plus "indispensables"… Dans ce cas, apprendre à les manipuler, à s'en servir avec aisance… Penser aussi au matelottage et au matériel qui va avec en rabiot (cordages, technique des nœuds et choses qui vont avec : chaînes, câblot, sandows, épisoire, mousquetons, manilles, étriers, ridoirs, etc…

Je passe sous silence tous les documents nécessaire à la "navigation" en soi. C'est-à-dire cartes marines, Instructions Nautiques, livre des feux, etc. Il existe aussi désormais des documents numériques en PDF reprenants tous ouvrages. Choses que nous avions en double.

- La météo. Il est vraiment nécessaire d'en apprendre un minimum dans ce domaine pour lire les cartes mais aussi comprendre "le ciel" et l'interpréter, naissance et parcours des cyclones tropicaux, phénomènes dangereux en navigation, etc...

- La géophysique du globe. Les grands courants marins, les marées, les conséquences dangereuses liées aux phénomènes puissants comme la houle, mascaret, tsunamis ou vagues scélérates... Apprendre à s'orienter avec une boussole mais aussi se diriger de manière empirique comme avec les vents dominants, les étoiles, la rotation du soleil ou autres astuces d'explorateurs avertis… De nombreux livres existent sur la survie. Nous avions nous-même, le guide de survie de l'armée américaine. A l'époque, c'était le seul ouvrage disponible pour ce domaine particulier, mais tellement utile...

- La mécanique des moteurs marins, faire soi-même son entretien et avoir des pièces en spare, comme courroies et joints de pompes par exemples...

- La couture, posséder une machine à coudre et bien la connaître mais une machine qui aura une bonne utilisation en "manuelle". Cela permettra de faire des réparations de voilure ou se fabriquer un taud, un bimini, ou même des vètements, ou même de gagner 3 sous (cas de la nôtre, une "Read's", anglaise), etc...

- L'électricité et ses accessoires comme batteries, panneaux solaires, régulateurs, chargeurs, groupes électrogène, se fabriquer des "cordons de démarrage" de grande longueur, etc...

- La radio-téléphonie, passer son permis (le CRR : et/ou le CRRI international)...

- L'informatique, posséder un ordi de réserve avec les cartes marines et documents associés.

- Les langues. Apprendre une seconde langue (ou une troisième si déjà 2…) sera toujours utile…

- La médecine… Vaste domaine mais cette discipline sera bien utile si vous avez des enfants en bas âge... Avoir le Vidal et du petit matériel d'intervention (pansements, bandes Velpo, stéthoscope, otoscope, thermomètre, oxymètre, loupe, scalpel, pince de péan, bandelettes test classiques, etc. Et bien sûr une bonne réserve de médicaments de base, classiques (antalgiques, pommades diverses, nécessiare de sutures/ Catgut/ Steri-Strip, seringues, sparadrap, collyre physio, etc.). Nous avions un kit de plâtrage (pour jambe) et une pharmacie bien garnie mais il faut dire aussi que nous avions plusieurs medecins dans la famille et du personnel médical autour de nous. Cette aide a été bien évidemment très utile… Je dois dire aussi que ayant été durant plus de 5 ans secouriste à la Croix Rouge de Nantes, j'avais passé un tas de brevets et spécialités afin de bien connaître les gestes de premier secours. Je le dis toujours, la connaissance est la toute première clé de réussite quelque soit la discipline où le niveau visé d'un projet en cours de réalisation.

     Pour nous aider dans la connaissance, nous avions à bord également deux encyclopédies complètes (Bordas et Hachette – offertes pour notre départ en TdM). Le Net n'existait pas à l'époque, nous avions donc de nombreux livres dont le Quid et des dictionnaires de langues.

- Posséder du matériel de plongée en bouteilles (et apnée) et savoir s'en servir ! Avoir passé au minimum un brevet élémentaire sinon, mieux, un premier ou second échelon (c'était mon cas avec plusieurs stages à la base fédérale de l'île d'Yeu).

- Du matériel de pêche à la traîne (lignes et canne à lancer). Nous avions aussi par exemple un filet/ tramail de 25 m (longueur maxi autorisée à bord d'un bateau de plaisance). Plus tard au Brésil, j'avais même fabriqué un véritable petit chalut breton (traîné derrière l'annexe, au moteur) pour pêcher la crevette sur les côtes d’Amérique du Sud où elles foisonnaient…

- Enfin, de l'outillage et plutôt manuel qu'électrique et ce quelque soit le domaine (menuiserie, mécanique, électricité, informatique, soudage, peinture aussi car le carénage quasi annuel du bateau est un travail éprouvant mais nécessaire (j'avais par exemple un pistolet électrique + groupe - spécialement pour cela), etc...

     On pourrait ajouter encore un tas de choses bien utiles mais il faut se dire aussi, que l'on ne peut pas attendre de tout posséder pour partir sinon, on ne partira jamais ! Nous avons acquit pas mal d'appareils au fur et à mesure du voyage quand celui-ci se faisait davantage désirer ou bien trouvé opportunément en bonne occasion (cas du Radar, d'une HF BLU, un second pilote automatique, autres panneaux solaires, une éolienne supplémentaire, une annexe plus grande, etc.). C'est le besoin "sur le tas" qui nous dictait ce qui devait ou pourrait être important voire indispensable suivant les circonstances du lieu, des évènements ou bien qui resterait seulement un accessoire de confort.

     Quant à l'argent du quotidien pour savoir combien il faut par mois pour vivre sur un voilier… La question revient sans cesse mais là, il y aura autant de réponses que de voyageurs/ navigateurs. Cela dépend surtout de votre train de vie usité en voyage… Nous avons vécu durant de nombreuses années en dépensant environs 500 à 600$ par mois pour nous quatre à bord (sans compter le budget pour les voyages en France effectués chaque année pour venir passer du temps en famille – mais pour ma part, j'y venais pour travailler – remplacement de chef-pilote en club ou centre de formation aéro durant 2 mois pour entretenir et valider mes qualifs de FIE (Flight Instructor Examinator).. Mais il est bien évident que lors d'escales, nous n'allions que très rarement dans les marinas. Nous étions très souvent en mouillages sauvages, parfois aussi dans les ports de pêche ou de commerce où nous trouvions assez facilement une place temporaire et gratuite (le temps de faire les formalités d'entrée sur le pays ou encore des pleins d'eau/ gasoil, avitaillement, récupérations de documents à l'ambassade ou consulat, entre autres exemples...).

     Voici donc comment on peut se préparer à un TDM en voilier. La réussite de ce long voyage repose pour beaucoup sur le sérieux de la préparation avant le départ. Et si notre TdMonde a durer si longtemps avec nos deux enfants, c'est que nous avions probablement bien préparer ce TdMonde et tout se passait bien… Peut-être aussi la chance d'avoir maîtrisé parfaitement toute la logistique matérielle et budgétaire pour vivre ainsi durant 25 années. C'est tellement bien le cas que mon épouse et moi-même avons repris nos études "en route" et changer de métier durant le voyage, tous les deux.

     Comme je dis toujours (avec une pointe de fierté et d'humour…) :

Nous sommes partis, j'avais 30 ans et j'étais informaticien... je reviens 26 ans plus tard et je suis pilote-instructeur avion. Mon épouse qui était Intendante Universitaire revient en étant infirmière… Nous sommes partis avec un petit garçon de 15 mois (Moïse) et revenons avec une fille de 24 ans (Anne). C'est çà le voyage "au très long cours", il y a des choses qui évoluent "drôlement" en cours de route… C'est çà la vie durant un très long Tour-du-Monde par les chemins détournés, en autarcie totale et en voilier...!

     Notre vie sur l'eau a été un enrichissement culturel permanent, un véritable "Trésor" comme on en rêve tous, d'où le titre d'ailleurs des deux volumes qui constituent notre histoire. C'est aussi le but de ce blog, partager toute cette expérience et cette richesse de vie. Cela aidera peut-être ceux qui aujourd'hui encore se lanceront dans une telle aventure, celle de "leur" vie. Et nous n'en avons qu'une seule. Il ne faut surtout pas la rater, ...la passer en futilités !

Qu'on se le dise et...bon vent…!

"Le véritable génie humain ne consiste pas à inventer de nouvelles choses plus complexes, plus grosses, plus lourdes d'emploi mais bien plus à améliorer celles déjà existantes en les rendant plus simples, plus pratiques, plus intuitives et moins gourmandes, tant en matières premières pour les fabriquer qu'en énergie pour les faire fonctionner".