111 Dans le secret des mondes du silence...
111 Dans le secret des mondes du silence…
C'est aux Antilles que j'ai commencé véritablement à chasser la langouste. De passage aux îles du Cap Vert j'avais eu l'occasion d'en voir mais l'heure n'était pas vraiment à la chasse. La préparation de la traversée de l'Atlantique, en pleine période cyclonique, occupait déjà bien assez mon esprit.
Mais une fois arrivés et bien installés dans ce monde Antillais, tout naturellement, les parties de chasse sous-marine ont vite fait d'être nos occupations favorites durant les week-ends. Et là, fatalement nous avons fait connaissance avec ces petites bêtes épineuses vivant un peu partout dans les fonds tropicaux. Elles affectionnent volontiers les grottes, les patates de corail, les entrelacs d'épaves ou encore les éboulis rocheux en tout genre. Dès l'instant qu'elles peuvent se cacher dans l'ombre, elles sont là ces petites merveilles de la nature. Nous passions donc beaucoup de temps à la recherche de ces crustacés. Au final, elles étaient même plus faciles à tirer que les poissons de pleine eau ! Les langoustes arrivaient dans nos assiettes.
Puis un jour, je suis allé à la pêche (à la chasse, c'est comme on veut), avec un ami antillais, pur souche. Lui m'a montré sa technique, incroyable mais vrai (pour reprendre une formule célèbre) mais c'était d'une efficacité surprenante pour les dénicher.
Alors voici ce truc aussi étonnant que réel. Il m'a permis plus tard de faire bombance de ces bestioles si convoitées, un peu partout sur la planète… Bien souvent mes chasses étaient réussies eu égard à celles de mes voisins de mouillage qui eux n'en trouvaient guère. Bien sûr, je ne parlais pas de ma méthode de repérage. C'est comme celui qui possède un Radar ou bien une lunette infrarouge, il voit dans le noir. Les autres, pas ! Les enfants en ont tellement mangé de ces langoustes d'ailleurs que, désormais, et cela depuis déjà bien longtemps, ils ne peuvent plus les voir dans leurs assiettes, écoeurés !
Mais perso, je n'ai jamais craché dessus, loin de là !
Pour comprendre… survol de la morphologie de cette bestiole…
La langouste est un crustacé décapode (car dix papattes) avec une paire de pinces mais celles-ci sont pratiquement atrophiées. Sa queue est dans le prolongement de son thorax, très développés tous les deux et sa tête est garnie d'épines et de longues antennes dont elle se sert comme d'un fouet. Tout son corps étant carapaçonné, elle va muer régulièrement pour pouvoir grandir. Elle passe donc chaque année par un stade plastique qui lui est particulièrement néfaste. En effet à cette période, elle devient complètement molle et là, tous les prédateurs de son milieu s'en donnent à cœur joie pour l'inscrire à leurs menus.
Eh bien ces dames langoustes ont inventé un truc extraordinaire pour se protéger durant cette période, c'est le grattoir à striduler. Et il est là, ce truc que j'ai appris pour chercher les langoustes : les écouter, dans leur monde du silence !
L'arme secrète…un grattoir à décibels…
La langouste est équipée d'un petit appareil, le plectrum, une sorte de grattoir situé à la base de ses antennes dont elle se sert comme d'un archet. Elle frotte ainsi ce plectre (synonyme : médiator) sur une sorte de plaque frittée (comme la surface d'une lime) située près de son œil et cela produit un son, une sorte de grincement bien particulier. C'est ce son de crécelle, émis par salves et bien audible dans l'eau (leur mélodie ressemble aux stridulations du grillon mais en plus lent et plus grave), qu'il faut apprendre à écouter. Une fois repéré et bien dissocié des autres bruits de fond « de ce monde du silence », vous saurez de suite dans quelle direction aller pour tomber sur la cachette de ces dames ! Elles vivent très souvent en familles, regroupées.
Pour produire ce bruit, elles déplacent leurs antennes légèrement, arrière – avant, en émettant cette « modulation grincée », ceci, dès qu'elles se sentent menacées. C'est principalement durant leur période de mue qu'elles s'en servent mais on entend ce bruit, leurs grincements, pratiquement toute l'année. Elles en ont fait leur arme de défense principale.
Dans leur panoplie de défense, il y a bien évidement aussi leurs longues antennes dont elles se servent comme d'un fouet ; enfin la fuite, le replis du guerrier : marche arrière, toute ! Elles donnent de violents coups de queue, cela les propulsent à grande vitesse vers l'arrière, tout en combattant l'ennemi à « coups d'épée ». Elles ne manquent pas de ressource ces braves combattantes épineuses. Je me suis battu avec l'une d'elle, particulièrement grosse, ce jour-là je me suis vraiment demandé si « elle », n'allait pas avoir le dessus. C'était très inattendu, incroyable. Voir ce chapitre 104…
A partir du jour où j'avais mis en pratique cette "astuce de localisation", les langoustes pleuvaient dans les assiettes jusqu'à en dégoûter les enfants. Bon, il y a plus malchanceux…/…
Manière de les pêcher…
Il y a plusieurs façons de les attraper…
Si les langoustes ne sont pas trahies par les sons provenant de leurs grattoirs audio, elles le seront cependant bien souvent par leurs antennes dépassant de leurs cachettes. Là, une fois repérées, il suffit de prendre ses dispositions pour les attraper.
La première manière est le fusil harpon, certains sont adepte du trident pour ce faire. Personnellement je n'aime pas bien cette lance multi pointes… Je trouve qu'elle abîme beaucoup les proies, que ce soit pour les poissons ou les crustacés d'ailleurs. Je préfère nettement la flèche d'arbalète à pointe unique. Il faut apprendre à bien viser - point barre.
La seconde, plus sportive mais, comme la troisième méthode, elle permet de garder les bestioles vivantes (dans un vivier pour les consommer plus tard ou bien s'en servir pour le troc), c'est le lasso. Il suffit de se fabriquer un collet à l'aide d'un fil fin en inox puis on fait un nœud coulant dessus. On fixe le tout au bout d'un petit manche en bois et il suffit de passer ce lasso par l'arrière de la bêbête dans son trou et on tire. La langouste se prend toute seule en général avec cet appareil car elle détale aussitôt vers le fond ; clac, le piège se referme.
La troisième est la nasse. Il est très facile de se fabriquer un petit casier de pêche. Vous appâtez avec des restes de poulet ou des têtes de poisson et vous mettez le tout sous votre bateau ou pas loin dans les rochers. La nuit travaille pour vous. Mais avec cette méthode, vous aurez tout aussi bien des crabes ciriques que des langoustes ou même des petits poissons de roche. Les crabes tout comme les langoustes sont de bons charognards.
On peut en prendre aussi au filet genre tramail. Mais ce genre de filet souffre beaucoup dans les coraux. J'avais abandonné cette méthode de pêche en milieu corallien.
Dans cette catégorie, il existe aussi les cigales de mer. Mais ces petites bêtes cuirassées, appelées encore popinées, ne vivent exclusivement dans les grottes, bien cachées et difficiles à voir, grâce à leur mimétisme. On ne les prend jamais à la nasse, il faut aller les dénicher dans leurs repaires, pas facile. Elles sont plus rares mais tout aussi bonnes que leurs cousines, les langoustes.
Voilà, c'était "un petit secret des mondes du silence".
Il y en a encore d'autres en réserve,
….mais je ne vais quand même pas vous révéler "tout", de suite !
Bonnes fêtes de Noël et de nouvelle Année à tous(tes).
Qu'on se le dise …et bon vent !
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