151 Le Rhône et ses écluses…
151 Le Rhône et ses écluses…
Remonter ou descendre le Rhône n'est pas spécialement difficile mais ce parcours demande néanmoins une préparation. Quelques petits conseils seront toujours les bienvenus pour faire face aux éclusages, aussi aux surprises sur ce fleuve capricieux. La vitesse sur le fleuve est limitée à 17 Nds. On peut donc côtoyer des bateaux allant à cette vitesse (croisières hôtels). La prudence est donc toujours recommandée.
"Seul au fond de son trou", le passage des écluses est parfois impressionnant !
Le courant…
Première constatation, le courant du fleuve est assez régulier. Il peut varier d'environ 1 à 4 nœuds maxi (voir données en bas) – donc moyenne d'environ 1,5 à 2 Nds. Il est renforcé ou bien diminué suivant la saison, aussi par la direction dominante du vent. Pour descendre, ceci est très intéressant mais pour monter, cela sera plutôt un inconvénient question consommation en gasoil, surtout si le vent du Nord se cumule au courant.
Le vent…
Là, les choses se compliquent un peu car le vent sur la vallée du Rhône est principalement soit du Sud avec les classiques "entrées maritimes", soit du Nord avec un Mistral parfois fort. Suivant le sens où l'on navigue sur le fleuve, eh bien, encore une fois, cela peut aider ou compliquer les choses. Il faut savoir que le vent de Sud précède toujours le passage d'un front froid venant de l'Atlantique (d'ouest). Front qui amènera juste après son passage sur la France, une rotation du vent au Nord (sur la vallée du Rhône) accompagnée d'une chute de température.
En résumé, le vent du Sud est suivi 2 jours plus tard en moyenne par un fort Mistral venant du Nord donc, qui peut durer plusieurs jours. Ce schéma fonctionnant à tous les coups, on peut gérer sa montée ou sa descente sur le fleuve avec une bonne prévision.
Dernière chose, si le vent du Nord (Mistral) est parfois fort, il n'est pas trop gênant car dans le sens du courant. Par contre un vent soutenu de Sud amène un fort clapot sur le fleuve principalement dans les parties dégagées et étendues avec ce fetch important.
Parfois, le vent est totalement absent, cela engendre une navigation paisible. Par ailleurs, à l'instar des côtes, il existe sur le fleuve un petit "régime de brises"… brise de fleuve le jour (N ou S), brise de terre la nuit (E ou W).
Les écluses…
Les dimensions des écluses du Rhône sont à ce standard…
Sas de 200 m de long pour 12 m de large, 3,50 m de tirant d'eau garanti (période d'étiage) et 6,50 m de tirant d'air garanti (ponts, guillotines et ouvrages d'art compris). On peut donc y entrer avec une largeur maxi de 11,40m (cata et tri…) pour une longueur de 190 m.
Entre Lyon et Arles (313 km), il n'y a pas moins de 14 écluses pour un dénivelé total de 170 mètres. Dans les écluses, la hauteur montée ou descendue peut parfois être très importante (par exemple 23 à 27 m à Châteauneuf du Rhône). C'est assez impressionnant ! Pour le trafic commercial, les écluses fonctionnent H24 X J7.
Procédure d'éclusage…
Les écluses du Rhône sont entièrement automatisées et commandées à distance. De plus le trafic commercial y est important et, bien sûr, il sera toujours prioritaire sur nous autres, "petits plaisanciers du dimanche" !
Pour chaque écluse, il y a un canal VHF (19, 20, ou 22 – canal entre bateaux le 10 + marina ou port de plaisance le 09) et un numéro de téléphone pour appeler (absence ou panne VHF…).
Avant et après chaque écluse, il y a toujours un petit ponton réservé aux plaisanciers permettant d'attendre, où même de passer la nuit si l'on arrive trop tard le soir. Donc pas de souci pour se préparer éventuellement ou attendre (amarres, défenses, ennuis mécaniques, montée d'un équipier pour vous aider…/…).
Les plaisanciers ne peuvent pas écluser de nuit sur le Rhône.
Des feux donnent l'autorisation d'entrer (vert) ou d'attendre (rouge) – sas en mouvement, descente ou montée : (1 rouge + 1 vert juxtaposés). Une fois dans le sas, tous les mariniers du bord doivent porter un gilet de sauvetage (obligation rigoureuse !). Les bollards d'amarrage (intégrés dans les bajoyers sur des glissières escamotées) sont flottants et à niveau constant. Ils suivent donc la montée ou la descente dans les sas. Ce qui fait qu'il suffit de s'amarrer avec un seul bout' au milieu du bateau et de s'appuyer sur ses défenses le long du bajoyer.
Une échelle de sécurité existe près de chaque glissière à bittes flottantes. Mais dans la pratique, celles-ci seraient quasi inutilisables car grasses comme des savonnettes (algues, vases, huiles, goudrons, salissures…/…) !
Nota : Quand on entre dans un sas "vide", on voit de suite s'il y a des "pissettes" provenant des bajoyers, on évite alors d'aller se mettre dessous ! Mais quand c'est l'inverse, on entre en eaux hautes et on descend, eh bien parfois on s'aperçoit que des pissettes se forment sur les parois des bajoyers et là, eh bien, on ne peut plus trop bouger de place. Conclusion : prévoir le ciré, voire un parapluie si c'est le cas pour pouvoir faire l'éclusage "sous la pluie"... De même en sortant des sas (ou en entrant), les portes étant à guillotines, la douche est garantie durant les manœuvres . Pensez à fermer ses capots de ponts et autres descentes !
Les manœuvres sont extrêmement rapides et parfois on descend (ou on monte) jusqu'à 25 mètres dans un bief en moins d'un quart d'heure. Cela donne réellement une impression d'ascenseur.
Le passage des écluses est interdit de nuit aux plaisanciers. Toutefois la navigation de nuit sur le fleuve n'est pas interdite, seulement déconseillée (idem de jour par temps de brouillard ou de visibilité très réduite – pluies épaisses, neige, vents tempétueux...).
Tout le fleuve est balisé "nuit".
Dernier point, l'éclusage est entièrement gratuit.
Règle de priorité de passage…
Les grosses péniches, barges de transport, ou bateaux de croisières à passagers (nombreux avec trafic régulier) seront toujours prioritaire sur la plaisance. De plus, pour ces commerciaux, les plus gros bateaux seront prioritaires sur les " plus petits". Ils rentrent donc dans les sas les premiers. S'il reste de la place, les plaisanciers entrent derrière. Attention au remous des hélices. Sasser n'est pas un exploit mais restera toujours une opération délicate et risquée. Port du gilet et veille attentive sont de rigueur.
Préparer des cordages en réserve.
La bouée couronne doit être parée, une, voire deux gaffes également.
VHF en veille sur le canal de l'écluse (un numéro de téléphone est marqué à l'entrée des sas si votre VHF tombe en panne, le noter durant l'attente ou en entrant si l'accès est direct).
Courtoisie de suivi…
Quand un bateau remonte ou descend le Rhône, les éclusiers suivent votre route sur un log de navigation informatisé. Par courtoisie, quand vous décidez de vous arrêtez le soir (ou même dans la journée pour visiter – cela fait aussi partie du voyage…) eh bien il sera de bonne convenance d'avoir l'amabilité de prévenir la dernière écluse passée (ou bien la suivante) de votre arrêt. Ainsi le service technique du CNR ne vous "attendra pas" à la prochaine écluse « pour rien » !
Ceci est une simple règle de délicatesse, car sinon… :
…/… Inquiétude des éclusiers sur votre devenir avec mise en attente possible des autres bateaux pour regroupement des passages ! La courtoisie est donc de rigueur.
Aide et conseils…
Le personnel technique du CNR est souvent composé d'anciens bateliers navigants. Ils connaissent donc bien les coutumes et pièges du fleuve. Ne pas hésiter à les appeler pour leur demander consignes, conseils ou de l'aide si vous avez des ennuis.
Ceci dit, comme dans toute communauté humaine, il existe "Les bons, la brute et le truand" (parfois, eh oui…) !
Mouillage le long du Rhône…
Si vous naviguez sur le Rhône (montée ou descente) cela se fera obligatoirement en plusieurs étapes (7 à 10 jours de Arles à Lyon est classique, un peu moins pour descendre). Il existe sur le parcours quelques ports, marinas ou pontons de plaisance permettant des escales sympathiques (Lyon Confluence, Les Roches-de-Condrieu, Glun, l'Epervière de Valence*, Viviers*, Cruas, L'Ardoise, Avignon, Vallabrègues, Arles, autres petits pontons…). Mais si vous êtes comme moi et que vous préférez les endroits sauvages, eh bien il est possible de mouiller sur le fleuve ou dans ses bras morts inutilisés par la navigation commerciale. Les entrées d'affluents également sont utilisables comme la Drôme, la Durance, l'Ardèche, le Gardon ou autres…
Si vous mouillez sur le fleuve même, il faudra choisir de le faire dans un endroit large avec un bord de rive accueillant et/ou sympathique. Ce cas est à éviter toutefois car le trafic nocturne est aussi important que celui de la journée. Donc bruit et roulis assurés. De plus le vent et le courant peuvent être contraire et vous chahuter « facilement ». Il est donc bien préférable de chercher un abri, hors de la route commerciale, dans les bras morts du Rhône. C'est le cas pratiquement en dessous, en aval, de chaque écluse. Il y a très souvent un bras mort (allant jusqu'au barrage) qui peut vous accueillir tranquillement pour la nuit. Là, vous pouvez mouiller n'importe où sur un bord et personne ne vous embêtera pour la nuit. Petit conseil toutefois : ne faites pas comme moi… Un jour lors d'un convoyage, je me suis mouillé un soir sur un bras mort devant une belle roselière qui cachait …des canardières. Bien avant le lever du jour, les chasseurs sont venus me sortir du lit car j'étais en plein sur leur ligne de tir ! Il m'a fallu déménager dare dare, de nuit, et aller mouiller plus loin. Bon, il n'y a pas de danger sur ces bras morts, hors mis la profondeur à surveiller au sondeur …/… et les canardières cachées dans les belles roselières !
* L'Epervière : le plus grand et beau port fluvial d'Europe (prix très correct) à 10 minutes à pieds, du centre ville de Valence (au PK 112) – zone technique, shipchandler, travel-lift, services, etc…/…
*Viviers : ce joli petit port de Viviers est ouvert seulement de début juin à fin septembre. Mais il est possible d'y faire escale hors de cette période "à ses risques et périls", comme dit la formule. Seul truc : les pontons flottants sont relevés et donc, il faut disposer d'une bonne passerelle (ou d'une échelle suivant la hauteur d'eau) pour débarquer sur le quai. Mais l'endroit est vraiment joli, tranquille et sympathique. C'est situé rive droite au PK 166, juste à l'entrée d'un bras mort du Rhône desservant la cimenterie Calcia-LaFarge.
Tous les "croisiéristes" y font escale tellement le lieu mérite visite (village et château féodal), c'est dire (un grand quai extérieur, jouxtant la marina, leur est réservé) !
Caprices du fleuve…
Ce fleuve, comme précisé déjà plus haut, est capricieux. Il peut même être dangereux par fortes crues. L'histoire est chargée dans ce domaine. Ce sont les mois d'octobre et novembre qui sont les périodes de crues les plus marquées. Mais chaque année peut amener des particularités. En période d'étiage également, le niveau très bas des eaux peut poser problème. Se renseigner près de la CNR. Il y a également des passages délicats comme le Défilé de Donzère* : fleuve étroit, profond avec écueils ou épis affleurants, courants et remous ou encore tourbillons importants. Par ailleurs, ce passage rend délicat l'entrée dans la petite et très jolie marina de Cruas, située juste en sortie du Défilé sur la rive droite au PK 145. Pour entrer dans cette très jolie marina, il faut descendre un peu plus puis revenir en fait un peu en arrière contre le courant pour garder une bonne aire de manoeuvre dans la passe d'entrée (étroite et en sifflet). Escale très sympathique.
*Défilé de Donzère : grandes falaises impressionnantes en passant où l'on peut observer des milans noirs qui y vivent (et nichent).
Les caprices et le tracé sinueux du fleuve impliquent certaines règles de conduite sur le fleuve. Comme par exemple un changement de voie dans les virages serrés. La règle de route normale est de naviguer sur sa droite comme sur nos routes. Mais dans certaines zones de virages en particulier, on doit effectuer un changement de rives avant et après ces passages délicats. Une signalisation vous le précise avant et après ces zones « croisées ». Ces règles de route s'appliquent à tous, il est bon de le savoir et de les respecter, sécurité oblige.
Extrapolation des documents de la CNR sur la vitesse du courant du Rhône*…
- période d'étiage : courant moyen de 1,2 à 1 ,8 m/s (1 à 2 Nds).
- période d'eaux normales : courant moyen de 1,8 à 2,7 m/s ( 2,5 à 4 Nds).
- période de crues : courant moyen de 2,4 à 3,6 m/s (4 à 5,5 Nds).
* Vitesse du courant du Rhône : la vitesse du courant du Rhône n'est jamais donnée dans les documents de navigation. Il est toujours spécifié en terme de débit, donc en m3 par seconde. Mais ce chiffre n'est pas bien "causant" pour un marin. Alors j'ai fait le calcul pour obtenir une vitesse en m/s ( ou Nds) et avoir un chiffre qui nous parle mieux !
Termes spécifiques à la batellerie…
- Avaler : descendre.
- Bajoyers : bords intérieurs d'un sas, d'une écluse.
- Barge : immense péniche sans moteur étant tractée ou poussée transportant souvent du vrac (sel, sable, graviers, boues et alluvions de dragage, autres…/…).
- Batardeau : barrage provisoire afin de réaliser des travaux sur les ouvrages des voies navigables.
- Bief : canal aval ou amont proche de l'écluse, partie d'un canal entre 2 écluses.
- CNR : Compagnie Nationale du Rhône.
- Décize : descente du fleuve (ou avalant).
- Degrilleur : bras-râteau, hydraulique et entièrement automatisé, qui nettoie les grilles des nombreuses prises d'eau sur le fleuve.
- Devise : nom donné aux bateaux fluviaux. Autrefois, les bateliers donnaient volontiers pour nom à leurs bateaux une formule d'origine judéo-chrétienne (comme "Vive la St Jean" ou encore…"Hauts les coeurs", "Sous la protection de Sainte Eulalie",…/… etc). L'appellation est restée.
- Ducs d'Albe : poteaux, pieux ou grosse bouée flottante permettant d'amarrer les chalands près des rives.
- Ecoirres : Perche ou poutre (de bois ou d'acier) servant à tenir écarté du bord une péniche, une barge.
- Epis : petits enrochements disposés en travers d'un fleuve, sur les bords et légèrement de biais, pour forcer le creusement de son lit en son centre.
- Etiage : période de très basses eaux.
- Grau : passage naturel créé par la mer (étroit et peu profond) vers les étangs lors de tempête.
- Guillotine : porte d'écluse de protection fonctionnant comme une Guillotine.
- Halage : chemin longeant les canaux pour tirer autrefois les péniches.
- Lône : petit canal latéral, dérivatif et régulateur au Rhône.
- Montée : remonter le fleuve.
- Pertuis : ancêtre de l'écluse servant à réguler les rivières et canaux (poutres ou aiguilles, démontables).
- PK : repère de Point Kilométrique permettant de se situer avec précision sur le fleuve ( 1 marque tous les 500m).
- Pousseur : sorte de remorqueur mais inversé, qui pousse des énormes barges ou chalands, souvent en convoi.
- Radier : le fond d'une écluse.
- Roubine (ou Robine) : petit canal de communication d'un étang marin à un fleuve, un canal ou la mer.
- Toueur : bateau du début du 20 ième servant à remonter le Rhône pour traîner des chalands. Ces sortes de remorqueurs se tiraient sur un câble de 15 km, posé au fond du fleuve (fait avant avec des grappins).
- Trémater : dépasser un autre navire.
- Vantaux, vantelles : petite fenêtre placée dans la porte de l'écluse servant à réguler le débit de la mise en eau ou de la vidange.
Qu'on se le dise …et bon vent !
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 234 autres membres